Mon chez moi

[Une promesse est une promesse]

Yunette rentra de taverne bien chargée, Nad lui a fait cadeau de deux gros paniers, l'un rempli de pommes et l'autre de châtaignes, d'un pot de soupe et de champignons.
Elle enfila un tablier et alla dépecer le lièvre qu'elle avait pris au collet le matin même, le découpa et le prépara. Elle rinça les champignons les apprêta et mit le tout à cuire.

Pour le dessert, elle ferait sa spécialité, une tourte aux pommes, dommage que Mini n'était pas là ce soir, elle aurait aimé y regoûter.
Elle réchauffa la soupe et la laissa à mijoter sur le feu. Elle sortit une bouteille de cidre, se demandant si Galuche considérerait ça comme de l'alcool ou pas. Dans le doute... elle prépara une tisane de fenouil.

Bon. Elle observa sa salle d'un œil satisfait. Le lièvre était presque prêt, la tourte reposait sur la fenêtre et la soupe mijotait. Elle alla enlever son tablier, mit la table et s'installa près du feu.

Galuche était perdu dans les quartiers de Toulon. Se maudissant de ne pas avoir fait assez attention, il cherchait désespérément un panneau. Il avait prit cette habitude avant, quand il ne savait même pas lire. Il était encore perdu dans ses souvenirs, un sourire niais au lèvre en pensant à la dernière conversation qui venait d'avoir avec Paquita l'enragée.

-Erf, qu'est-ce qu'elle avait dit, encore? Le quartier du Pardon? Ouais, c'est ça, le quartier du Pardon!

Il chercha le quartier du pardon pendant un bon dix minutes, quand il vit un panneau avec ''quartier de l'espadon'' écrit dessus. Se maudissant une fois de plus pour son idiotie, il entra dans le quartier et se fia à son odorat pour trouver la maison, comme le lui avait proposé Yunette.

Il arriva finalement devant une maison à l'allure plus que respectable. Il vit une plaque avec "Que les justes soient bienvenus, quand aux autres, qu'ils fuient". Il se sentit soudainement très mal à l'aise et ridicule, avec un petit bouquet de vieille fleurs fanées, qu'il avait réussi à trouver...

Il y a quelque temps, il aurait prit une bonne rasade d'une boisson bien alcoolisé et ne se serais pas le moins du monde gêné à aller manger chez quelqu'un. Il aurait probablement volé une ou deux bouteilles d'alcool et aurait vidé les réserves de nourritures.

Mais celà faisait partie du passé. Nerveux, il cogna à trois reprise sur la porte et ne put que sortir un maladroit:

-Euh... y a quelqu'un?

Yunette était en pleine contemplation du feu lorsque 3 coups sourds furent frappés à la porte. Elle sursauta et entendit la voix de Galuche demandant s'il y avait quelqu'un.

Elle se leva précipitamment, renversant au passage sa tisane. Elle ramassa bien vite la tasse, la reposa près de l'âtre et épongea tant bien que mal la tisane répandue.

Mince, il était toujours derrière la porte. Elle alla ouvrir la porte un peu gênée. Elle découvrit Galuche un bouquet de fleurs à la main. Elle lui sourit

Ben oui, il y a moi! C'est pour moi les fleurs?

Elle l'invita à entrer, le rose aux joues, lui prit d'office le bouquet des mains et alla l'installer dans un vase.

Installez vous. je vous proposerait bien à boire... mais... ah, si... du cidre? Ça va le cidre?

Ben oui, il y a moi! C'est pour moi les fleurs?

-Hein? Euh...bah ouais.

Galuche entra dans la maison et sentit la chaleur d'un feu. Il délaça sa cape et la plaça sur le dossier de sa chaise. Regardant autour de lui, il prit place comme le lui avait conseillé Yunette.

-Du cidre? Bah, est-ce que c'est mauvais pour...?

Lance un coup d'oeil au ventre de Yunette. En fait, il souhaite bien que ce soit bon pour l'enfant, ça le rendrait peut-être moins timide et ridicule.

-Sinon, ça sent bien bon.

Mauvais? le cidre? on m'a dit qu'à petite dose ça ne faisait pas de mal...

Yunette sourit
Après... c'est Sterne qui m'a dit ça, on peut penser que c'était une excuse pour boire... Mais guillemette ne m'a pas l'air d'en avoir pâti.

Elle servit deux verres de cidre, en tendit un à Galuche et leva le sien en le regardant.
A ce repas qui nous attend.

Ses paroles lui paraissaient sans intérêt et le fait qu'il soit mal à l'aise ne faisait qu'augmenter sa propre gêne. Elle alla remuer la soupe histoire d'occuper un peu le silence et revint la servir.

Si elle n'est pas bonne faudra s'en plaindre à Nad! C'est celle qu'elle m'a donné tantôt.
Dites Galuche, ce n'est pas parce qu'on est pas en taverne qu'il faut être silencieux hein.
Un autre verre de cidre?

Elle le servit sans attendre son avis, et laissa la bouteille à côté de son verre. Elle reprit la soupière entamer le repas, mais celle ci lui échappa des mains et alla se briser au sol, répandant son contenu... jusque sur les bottes de Galuche.

Yunette resta saisie de sa maladresse, n'osant bouger de peur d'en refaire une.

Galuche prit son verre de cidre et en but une rasade. Ah, ça vous rafraichissait un gosier bien sec, ça! Il écouta Yunette parler tout en contemplant les alentours. Il termina son verre.

-M'ouais, un autre....

Il fut coupé par le bruit de la soupière qui alla s'écraser au sol. Il regarda la soupe se répandre jusqu'à sa botte. Il fronça des sourcils et leva le regard sur Yunette.

-Gniarf, t'es presque aussi maladroite que l'autre grognasse avec sa rame.

Il se leva debout, restant sur place.

-J'ose pas bouger, j'ai pas envie de mettre des traces de pas partout dans la maison, alors.... beh au travail, femme.

Il lui sourit, puis ramassa son verre qui se trouvait sur la table et attendit que Yunette nettoie tout ça. Bizarrement, il avait le sentiment qu'autre chose allait arriver. Mais bon, c'est peut-être juste le cidre...

Honteuse de sa maladresse, Yunette s'apprêtait à nettoyer les dégâts lorsqu'elle entendit la réflexion de Galuche.

Femme? Femme? nettoies? Non mais oh! Messire Galuche je vous ai connu bien plus aimable! J'ai été fort maladroite, certes, mais de là à me traiter ainsi...
Et puis Paqui n'est pas une grognasse!

Elle allait lui rajouter quelques réflexions bien salées lorsqu'elle remarqua son sourire.
Vous vous moquez encore?

Vraiment... incorrigible...Elle soupira. pour la peine... vous allez me puiser de l'eau! le puits est juste derrière, vers le jardin. Il vous suffit de faire le tour de la table, ainsi vous ne marcherez pas dans la soupe!

Elle se mit à ramasser les morceaux du pot et nettoyer la soupe épandue. Mi fâchée, mi amusée. Non mais vraiment... il abusait des fois le Galuche.

[HRP] tu te lèves debout toi? moi je m'assois assise ... ^^ [HRP]

-Erf, bon...

Il contourna la flaque de soupe et sortit par derrière. Il regarda autour de lui et aperçu un puits, ainsi qu'un seau tout près de la porte. Il prit ce dernier et se dirigea vers le puits.

Qu'est-ce qu'il était en train de faire? Il allait quand même nettoyer les erreurs qu'une autre avait fait, non? Il était pas une bonne, non plus. Il s'imagina habillé en boniche en train de sermonner les enfants et sourit.

Galuche arriva au puits, attacha le seau et fit tourner la poulie. En même temps, elle était bien gentille de l'inviter manger. Puis, ça sentait bien bon, il n'avait personne qui l'attendait avec un repas prêt.

Il remonta le seau plein et le détacha du puits. Il se dirigea vers la maison, en pensant que ses pensées de tout à l'heure étaient bien ingrates. En fait, il était toujours le bon vieux Galuche, le salaud.

Irrité par cette pensé, il entra dans la maison et posa le seau près de Yunette, puis reprit place à sa chaise.

-V'là, un seau d'eau pour la p'tite dame...

Galuche revint avec le seau d'eau tandis qu'elle finissait de nettoyer.
Un franc sourire éclaira son visage, Merci Galuche! J'ai presque fini. Dommage pour la soupe hein... mais... reste le civet.

Elle rinça le sol, bien vite, se lava les mains et alla chercher le civet, gardé au chaud durant tout ce temps. Elle s'arrêta quelques instant devant le four, elle fatiguait un peu, mais ne voulait pas le montrer.
Elle se reprit bien vite et apporta le plat sur la table. Elle prit bien garde de n'en pas verser une goutte. Attention! J'arrive, prenez garde à vos bottes!

Elle servit un bonne part de lièvre à Galuche sur un large tranchoir, des champignons par dessus, se servit elle même et leva son verre en le regardant.

Bon appétit! J'espère que l'attente aura valu le coup et que je n'ai pas raté la cuisson...

Elle se demandait bien ce qu'étaient ces tensions qu'elle ressentait dans le ventre depuis un moment, ce n'était pas très douloureux mais d'après ses calculs c'était trop tôt pour être le bébé. Elle grimaça légèrement sous le coup d'une douleur un peu plus prononcée, prit une profonde inspiration et se reprenant, elle sourit, guettant la réaction de son invité.

Galuche regarda Yunette le servir une part de civet. Il se pencha par dessus son tranchoir et huma le plat.

-M'ci.

Bon appétit! J'espère que l'attente aura valu le coup et que je n'ai pas raté la cuisson...

En tout cas, ça sent drôlement bon.

Galuche prit une bouché de civet et le mâcha longuement, gardant son expression faciale neutre.

-Hmm, c'est...euh....ben c'est délicieux, voilà le mot juste! Très très bon, au début je regrettais d'être venu, me demandant si j'allais sortir d'ici vivant ou bien le corps criblé de morceau de chaudron, mais finalement je n'ai aucun remord.

Il prend une autre bouchée, puis ajoute:

M'enfin, j'vais probablement devoir passer un bon moment à laver mes bottes, mais bon, j'considère que ça en vaut la peine quand même, non?

Galuche restait impassible. Yunette se demandait s'il aimait ou pas sa cuisine lorsqu'il prit la parole. Les premiers mots, complimentant son plat la firent sourire largement. Les suivants lui firent faire une moue, limite vexée. Mais le fait qu'il paraissait content d'être là la rassura.
La mention des bottes lui rappela sa bévue et elle rougit. Elle n'eut guère le temps de se sentir gênée qu'une nouvelle douleur la prit au ventre. Elle serra les dents le temps qu'elle passe.

j'considère que ça en vaut la peine quand même, non?

J'espère bien que ça vaut le coup! Vu le temps que j'ai passé en cuisine...

Elle essaya de manger quelque peu, le repas ponctué de douleurs encore assez espacées. Galuche mangeait de bon appétit, elle laissa le plat près de lui. Alla chercher la tourte aux pommes et la déposa sur la table.

Euh Galuche... Je crois que vous allez pouvoir recommencer à boire plus tôt que prévu.

Une nouvelle contraction la fit grimacer. La douleur se faisait plus forte au fur et à mesure de la soirée.

A la fin de sa journée, Chrys n'oublia pas de faire un détour par chez Yunette. Sa grossesse devait être bien avancée maintenant, elle voulait prendre de ses nouvelles!
Elle fit juste un petit détour par chez elle, déposer Célia qui s'était endormie dans son lit, et se présenta à la porte.

Coucou, Yun! C'est Chrys, je suis rentrée de Marseille! Comment vas... elle marqua un temps d'arrêt, voyant Galuche.

Oh, pardon, je vous dérange en plein repas sans doute... je peux repasser plus tard.

Ce disant, elle regarda Yunette, qui semblait crispée, une expression de douleur peinte sur le visage. Elle fit un pas vers elle.

Ça va...?

Galuche était en train de parler de choses sans importances, de la bouletitude de certaines personnes au parlement, de la couleur des murs de certaines salles au château... quand Yunette lui dit:

Euh Galuche... Je crois que vous allez pouvoir recommencer à boire plus tôt que prévu.

Se prenant une bouchée de tourte aux pommes, Galuche eut le réflexe, en bon ivrogne qu'il est, de regarder en direction de le bouteille de cidre. Puis, Chrys fit son entrée. Il fut distrait un instant, puis reporta son attention sur Yunette, qui grimaçait de douleur.

Puis, tout s'éclaira dans son esprit! Me***! Pourquoi il fallait que ça lui tombe dessus, il avait la tronche d'une sage-femme peut-être?

Il n'eut que la sagesse d'esprit d'exprimer un niais:

-Hein?!

(Une nouvelle personne? J'ai compris, j'ai compris, je vais poster plus rapidement ^^)

Yunette ne parvenait plus à cacher sa douleur. Vraiment, pas de bol, Galuche allait s'en souvenir de ce repas! D'abord la soupe, puis... ça! Elle le plaignait intérieurement, mais était soulagée de ne pas se trouver seule dans un moment pareil. Chrys venait d'arriver, ce qui la rassura d'autant plus, de ce qu'elle en savait ils ne seraient pas trop de deux.
Elle défit de sa ceinture la dague que Dark lui avait confiée, la posa sur la table... elle allait servir. Elle se leva doucement et alla saluer Chrys.

Tu... ne déranges pas, non, je dirai plutôt que tu tombes à pic. Une nouvelle contraction la fit s'arrêter, elle respira profondément attendant qu'elle passe, puis reprit. Je crains que le petit ait décidé de sortir ce soir. A croire qu'il a choisi un moment où je n'étais pas seule. Un léger sourire naquit sur ses lèvres et elle se tourna vers Galuche. Je suis désolée pour ce repas catastrophe, vraiment, j'espère que... Une nouvelle contraction étrangla dans sa gorge le restant de sa phrase tandis que sa main s'agrippait au poignet de Chrys; les douleurs se rapprochaient vraiment de plus en plus. C'est vrai qu'elle en ressentait depuis la veille aussi, mais elle ne voulais pas y penser, trop effrayée de ce qui l'attendait.

La tête déconfite de son invité lui arracha un sourire, elle essaya d'adopter un ton léger Dites vous que vous avez de la chance, vous allez avoir le privilège d'assister à la naissance d'un quart de portion!

Un nouveau spasme la fit s'accroupir, elle commençait à comprendre pourquoi les femmes qu'elle avait vu accoucher criaient. Elle serra les dents et un gémissement sourd lui échappa malgré elle.

Chrys eut un sourire en voyant l'air mi-paniqué, mi-niais de Galuche. Mais l'heure n'était pas à ça.

Yunette avait défait sa ceinture et posé sa dague sur la table. Bon au moins, on avait un objet tranchant.

- Tu... ne déranges pas, non, je dirai plutôt que tu tombes à pic. une pause.

Il me semble en effet...

Chrys tentait de ne pas paniquer... bon... comment ça s'était passé pour elle? Elle ne s'en souvenait plus très bien. Elle était tout près de Yunette maintenant, prête à la rattraper au moindre signe de faiblesse. Mais elle en avait à revendre la jeune fille! Elle se tenait encore droite malgré les contractions!
Aïe, la voilà qui venait d'agripper son poignet. Et de la force avec ça. Chrys réprima une légère grimace, pensant à ce que devait endurer son amie.

Yun, il faudrait que tu...

Ah, ben elle s'était accroupie, gémissant. La douleur devait s'intensifier... Il fallait prendre les choses en main.

Galuche, enlevez tout ce qui se trouve sur la table! Et ensuite, pouvez-vous m'apporter des linges propres? Nous en aurons besoin.

La table débarassée, Chrys aida Yunette à s'installer dessus, posant un coussin dans son dos.

Ca va? Tu es bien installée?

Voyant la grimace que faisait Yunette, elle ne put s'empêcher de faire une petite moue d'excuse. Oui, installée confortablement, dans une situation pareille, c'est pas vraiment possible... enfin...

Elle jeta un coup d'oeil en direction de l'âtre, et alla poser la marmite au-dessus des flammes. De l'eau chaude, on en aurait besoin aussi...

Galuche, enlevez tout ce qui se trouve sur la table! Et ensuite, pouvez-vous m'apporter des linges propres? Nous en aurons besoin.

-Euh, ouais, tout d'suite.

Content d'avoir quelque chose d'utile à faire, il commença à débarrasser la table, laissant a bouteille de cidre à proximité. Regardant la tourte, il décida de s'en prendre une part, puis partit chercher des linges propres.

Il en trouva et les rapporta à Chrys.

Il jeta un regard à Yunette, imaginant déjà le bébé tenter de sortir, un petit être sale et bruyant, avec du sang qui pisserait partout...

-Euh, t'aurais besoin de quelque chose d'autre?

Yunette, dans un état second se laissa guider par Chrys. On lui avait dit que lorsqu'une femme était prise par une frénésie de rangement c'est que le moment était proche. Et toute la journée elle avait nettoyé et briqué sa demeure. A la base c'était pour la venue de son invité... Mais ce n'était finalement pas une mauvaise chose, le petit arriverait dans une maison propre. Elle n'avait rien pour le vêtir, pas un lange, rien. Autant de pensées disparates qui tourbillonnaient dans sa tête.
Garçon ou fille? Elle ne s'était pas même demandé ce qu'elle aurait préféré... Elle eut un petit rire, vite coupé par une contraction. Elle se cambra sous la douleur, sa main cherchant dans le vide quelque chose à quoi s'accrocher. Elle reposa, pantelante sur le coussin, semi assise. Un liquide s'échappa d'entre ses cuisses, le travail commençait vraiment.

Elle commençait à se rendre compte réellement de ce qui lui arrivait. Et soudain, la peur, la peur irraisonnée la submergea. Allait-elle survivre? On raconte souvent que les jeunes mères ne voyaient leur enfant que pour lui dire adieu. Elle n'était pas même baptisée! Et puis elle était jeune... si jeune... Elle ne voulait pas mourir et elle le sut à ce moment, elle ne mourrait pas, la volontaire jeune fille reprit le dessus sur ses frayeurs.

Contraction encore. Elle n'en pouvait plus. Sa respiration se faisait haletante. Telle un chien essoufflé. Le temps filait, les contractions se faisaient plus présentes, plus régulières, plus marquées. Elle ne savait pas vraiment l'heure qu'il était, et s'en fichait d'ailleurs. Ses pensées étaient concentrées sur la pression qu'elle ressentait dans son bas ventre. Ce n'était pas douloureux comme les contractions, non. C'était présent, appuyé. Elle ressentit une irrépressible envie de pousser, Chrys était revenue depuis un moment à ses côtés, la soutenant et subissant la pression de ses doigts. Yunette s'agrippait à elle comme une damnée. Jamais au grand jamais elle n'avait ressenti pareille douleur. Elle crut à ce moment qu'elle n'y arriverait jamais.

Elle prit une grande inspiration et poussa, mettant toute sa force dans cette poussée; un hurlement de bête fauve lui échappa et se transforma en un feulement sourd, venu du plus profond de son être.

Yunette se laissait faire, Chrys l'installa du mieux qu'elle put avec sa main libre. La pauvre semblait souffrir, au vu de ce qu'elle faisait subir à sa main... Elle tenta à une ou deux reprises de se libérer, mais il semblait que les contractions le sentaient, et venaient au même moment, provoquant un resserrement de l'emprise de Yunette sur la main de Chrys, qui commençait à se demander si elle n'allait pas tomber à force.

Bon, penser à autre chose.

-Euh, t'aurais besoin de quelque chose d'autre?

Hum... oui! il faudrait deux morceaux de ficelle, bien solides surtout!

Yunette venait de perdre les eaux, et semblait dans un état de panique assez intense. Sa respiration était courte. Chrys passa sa main libre sur sa joue, dans un geste qu'elle voulait rassurant.

Ne t'inquiète pas, tout va bien se passer. Par contre, si tu ne veux pas que ce soit Galuche qui réceptionne le bébé, il va falloir me lâcher la main... lui dit-elle en souriant doucement. Il fallait surtout qu'elle ne perde pas son sang-froid. Rester calme aiderait Yunette à se détendre.

Tu vas essayer de te détendre... Tout ira bien.

Attendant la réaction de la jeune fille, elle posa sa main libre sur le ventre, pour tenter de mesurer l'intensité et la fréquence des contractions, avant de se faire la réflexion : maligne, tu ne sais même pas à quelle fréquence elle doivent être!
Ouch, le ventre se durcissait à nouveau, Yunette se tendait sous la douleur, poussant un râle.

Je crois qu'il est occupé à sortir Yunette! Courage! Surtout, respire calmement, profondément... et quand je te le dis, tu pousses de toutes tes forces!

Elle regarda le visage couvert de sueur de Yunette, une main toujours posée sur son ventre, l'autre toujours martyrisée par Yunette, qui ne semblait pas avoir entendu, ou compris le sens des mots "lâche ma main". Une nouvelle contraction arrivait.

Vas-y, pousse!

Mais où était Galuche?

Galuche? Galuche! Vous avez ces morceaux de ficelle?
Je vais avoir besoin de vous ici!

Hum... oui! il faudrait deux morceaux de ficelle, bien solides surtout!

-Ah? Je reviens, alors!

Comme un bon petit soldat, il obéit sans se poser de questions. Il commença à fouiller un peu partout dans la maison. Il trouva une longue ficelle et en coupa deux morceaux d'une bonne longueur. Il se demanda alors à quoi serviraient ces deux morceaux de ficelles. Toute sorte de drôles images lui apparurent dans le crâne.

Peut-être voulait-on coudre Yunette pour faire sortir le bébé par la bouche?
Ou bien on voulait justement coudre la bouche, pour pas que le bébé sorte par cet endroit! La tête toute pleine d'images, il se fit sortir de sa rêverie par une voix.

Galuche? Galuche! Vous avez ces morceaux de ficelle?
Je vais avoir besoin de vous ici!

-Ouais, tout d'suite m'dame, j'arrive!

Galuche se précipita vers la table, prit la bouteille de cidre au passage et s'en prit une rasade. Il tendit les ficelles vers Chrys:

-Désolé, j'ai pas trouvé d'aiguilles... Un peu plus inquiet euh, que veux-tu que je fasse? Soif?

Il proposa la bouteille... vu la situation, on pouvait supposer que le pacte était terminé, non?

Yunette reprit son souffle. Cette contraction, terrible doublée de la poussée l'avait exténuée. Elle était presque persuadée que l'enfant ne pourrait pas sortir. Elle le sentait proche pourtant, il était près d'arriver.

Une nouvelle douleur, une nouvelle poussée. Et Galuche qui lui mettait la bouteille de cidre sous le nez! Elle repoussa la main qui lui proposait à boire et lui souffla Tu vois pas que j'ai mal? pas soif! Elle le relâcha aussitôt, prise par une nouvelle pression; Chrys à son côté une main en otage, l'autre sur le ventre de l'accouchée lui disait de pousser. Ce qu'elle fit. Dans un ultime effort elle sentit la pression se relâcher quelque peu, la tête était passée.

Parfait pour la ficelle, déposez ça près du poignard... et pas besoin d'aiguille. Chrys se demanda ce qui pouvait bien passer par la tête de Galuche pour avoir besoin d'aiguilles... mais ce n'était pas le moment de penser à ça.

Et le voilà qui proposait à boire! Non mais franchement! A croire qu'il ne comprenait pas vraiment la réalité de la situation...

C'est le moment de boire vous pensez? Posez ça et allez en bout de table! Là, voilà... attention, une nouvelle contraction arrive, Yun, tu vas pousser de toutes tes forces encore une fois...
Galuche, mettez un drap et préparez vous à voir arriver le bébé...

Chrys pressa légèrement la main de Yunette de la sienne (qui commençait à devenir insensible...), comme pour la rassurer, lui souriant... elle était exténuée la pauvre...

Une nouvelle contraction arrivait, laissant à peine à Yunette le temps de souffler.

Yunette, c'est la dernière ligne droite! La tête est passée maintenant.

Elle se tourna vers Galuche. Ah oui, se rappeler. Des ordres simples à comprendre et brefs.
Placez vos mains sous la tête du bébé. Il va continuer à sortir, il faut le rattraper délicatement. Compris?

Éloignant la bouteille de Yunette, Galuche ne put sortir qu'un maladroit:

-Bah en fait, je disais ça pour Chrys...

Galuche, mettez un drap et préparez vous à voir arriver le bébé...

-Quoi?!?

Il pensait depuis le début que c'était Chrys qui allait s'en occuper. Il se questionnait de plus en plus à savoir s'il avait la même tronche qu'une sage-femme. Il se prit une dernière et longue rasade de cidre, plaça la bouteille de côté et plaça un drap par-dessus Yunette.

Il se dit à lui même que si un homme avec une tronche comme lui l'avait aidé à sortir, il serait resté chez sa mère, bien conforable.

Placez vos mains sous la tête du bébé. Il va continuer à sortir, il faut le rattraper délicatement. Compris?

-Euh, tout d'suite m'dame...

Plaçant ses mains en dessous du draps, il se releva, tout pâle.

-Chrys! Y a un truc en dessous, je sais pas c'est quoi! C'est gros et rose et assez mal propre et... Jetant un autre regard rapide, il ressortit avec un regard embarassé: Ah, non, attends, c'est la tête de l'enfant...

Reprenant place, le visage rouge de honte, il plaça doucement les mains près de la tête du bébé, prêt à l'attraper...

Il se marmonna à lui-même:

-Me rappeler de ne jamais devenir sage-femme...

Hermétique à ce qui se passait autour, Yunette ressenti une irrémédiable envie de pousser, la contraction se faisait moins douloureuse mais plus présente encore. Elle poussa derechef et l'enfant glissa hors d'elle, comme aspiré vers l'extérieur.

Elle se laissa retomber sur le coussin épuisée. La jeune accouchée relâcha la main de Chrys, essaya de relever quelque peu la tête pour observer cet être vagissant qui venait de sortir de son corps mais celui ci ne lui obéissait plus. Les jambes prises d'un tremblement incontrôlable, les bras trop faibles pour la soutenir, elle resta allongée, écoutant ce bébé qui hurlait au monde qu'il existait et était bien vivant.

Elle demanda faiblement si son enfant était beau, s'il était garçon ou fille puis sombra dans un état semi conscient entre le rêve et le réel.

Galuche obéissait, c'était déjà ça… par contre, il ne semblait pas à l'aise du tout, et pas au courant non plus de ce qui était sensé se passer… pour ne pas comprendre que le "truc" était la tête de l'enfant…

Elle sourit doucement en l'entendant grommeler de ne pas devenir sage-femme. L'idée était très drôle… Galuche, sage-femme.

Une dernière contraction et l'enfant sortait complètement. Galuche le rattrapa.

Et c'est là que les tissus vont servir. Enveloppez le bébé dans l'un d'entre eux.

En même temps, Yunette lâcha enfin sa main, à bout de forces. La pliant et la dépliant à plusieurs reprises pour tenter de lui redonner sa mobilité originelle (ouille), elle s'approcha de Galuche.
Celui-ci s'occupait de l'enfant, elle prit les deux morceaux de ficelle. Il allait voir à quoi ça servait.
Elle les attacha au cordon, qui reliait encore l'enfant à la mère, laissant quelques centimètres entre les deux, et tâta. Lorsqu'elle ne sentit plus de battements dans le morceau de chair, elle attrapa le poignard et sectionna le cordon. L'enfant était séparé de sa mère.

Elle se tourna à nouveau vers Yunette.

Je me doute que tu sais comment ça se passe, mais tu vas encore avoir une contraction ou deux, très légères, et quelque chose va sortir. Comment ça s'appelle ce truc en fait? On ne lui avait jamais dit…

Il va encore falloir attendre un peu pour avoir ton bébé. Tiens, au fait… elle se tourna vers Galuche.
C'est une fille ou un garçon?

Mi-gêné, mi-dégouté, Galuche attrapa le bébé, qui se mit tout de suite à gueuler comme un diable. Ne sachant pas que c'était normal et même bon signe, Galuche se releva, tenant le bébé à bout de bras, bougeant très lentement, très doucement. Ne sachant que faire avec l'enfant, il lança un regard suppliant vers Chrys, qui lui dit:

Et c'est là que les tissus vont servir. Enveloppez le bébé dans l'un d'entre eux.

-Ah, ouais, d'accord...

Il déposa très lentement le bébé sur la table, par-dessus un morceau de tissu. Il remarqua alors une sorte de tube qui était attaché au nombril du bébé, jusqu'à... Yunette? Regardant Chrys faire, elle découpa le cordon. Il enveloppa tant bien que mal le bébé, d'une façon étrange, mais qui faisait le travail. Il s'éloigna d'un pas pour admirer son travail. Il prit la bouteille de cidre au passage, termina les quelques gorgées qui y restait.

Chrys se retourna vers lui et lui demanda:

C'est une fille ou un garçon?

-Je vérifie, je vérifie... Il s'approcha du bébé et regarda en dessous de l'enveloppe. C'est une petite fi... Oh, attendez, c'est quoi ce truc? Hmm... hé hé, non, c'est un garçon...

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