La main sur le vantail tremble un peu. Tant de temps a coulé depuis qu'elle a quitté sa maison...
Paquita prend courage et pèse plus fort sur le panneau, la porte s'ouvre.
Dès l'entrée, il lui semble que quelque chose a changé. Elle met du temps a trouvé ce qui est différent.
Puis cela lui apparaît.
Comme une évidence.
Les odeurs ! Les odeurs ont disparu.
Celle du brouet, de la soupe de poisson, de sa cuisine à base de légumes gorgés de soleil et d'herbes parfumées. Mais aussi celle du fournil, de la farine, du levain, du pain. L'odeur de la lessive et des joncs dont elle se servait pour frotter les sols. Celle des livres de Tancrel, de leur reliure de cuir, de leur feuilles parcheminées et de l'encre. L'odeur douçâtre du cellier où elle entreposait ses fruits, pommes et poires, abricots et figues, pêches et grappes. Celle plus affirmée de son coffre à épices où la cannelle le disputait au poivre et à la girofle. Celle encore du laurier, des écorces d'orange et des lavandes.
Toutes ces senteurs qui sont propres aux habitations humaines et que l'on respire sans y penser. Paquita en ressent à présent l'absence. Il ne reste que l'odeur de la cire qui émane de la table qu'elle a laissé. Paquita s'approche, laisse traîner sa main sur le plateau zébré de cicatrices, traces de nombreux repas pris tête à tête en se racontant la journée et en élaborant des projets d'avenir.
Paquita songe aux sourires qui lui échappaient à entendre Tancrel s'enflammer. Elle en réprime un.
Le trotte menu de Tanita qui l'a suivie la ramène au présent. Elle frissonne.
Farwen a raison. Elle ne pourra pas dormir ici cette nuit. Il y fait top froid. Elle sort vivement et ramène quelques fagots qu'elle a apporté de son voyage. Elle va les placer près de la cheminée, prépare un feu et lance la flambée. Elle procède ainsi à l'étage aussi, dans la chambre. Déjà, les flammes chassent joyeusement les souvenirs tristes. Paquita approche une chaise et s'y installe, Tanita serrée contre elle. Elles regardent longuement le feu qui crépite dans l'âtre. Tanita, bercée par le grésillement des bûches s'endort. Paquita se laisse aller à savourer ce moment.
Quand Tanita s'éveillera, elles rejoindront Farwen. Déjà le feu a séché les murs de leur humidité et l'air est déjà plus tiède. Paquita sait que dès demain, elles pourront dormir ici, toutes deux. Pour l'heure, Farwen doit les attendre près de sa soupe fumante. Elle réveille Tanita qui grogne un peu puis reprend sa gaieté coutumière pour suivre sa mère.
Demain, oui... Demain Paquita sera de retour chez elle.