Toulon, le matin du 18 Juin 1458 – fin de garde
Au petit matin, ce petit matin, Farwen rentre de son 4ème jour de garde de la semaine. 4ème nuit aussi d’ailleurs, et c’est probablement les rondes nocturnes qui lui pèsent le plus. Son lit lui manque, ô combien !
Un coup de tète, une inspiration, elle décide d’aller « voir la mer ». Il est curieux de se rendre compte que toute Toulonnaise qu’elle soit elle ne va finalement visiter cette voisine que fort rarement. Les moulins, les gardes, la douane, la mairie… et puis Alex, Sauvé, la mamé… et puis Doch, Elsas, Mila… elle soupire doucement, c’est vrai qu’elle est fort occupée, la dame de la mamé !
allez zou, j’y vais ! se dit-elle, et tourne à droite vers le port et la mer au lieu de rentrer en ville vers son lit et sa tisane que la mamé garde au coin du feu quand elle la sait dehors.
A cette heure le soleil n’est pas encore levé mais le ciel est déjà clair, une aube pleine de chants d’oiseaux comme autant de promesses, une aube calme et tranquille. La guerre est terminée, les français sont partis, les catalans aussi, la plaine autour de la ville et derrière le Faron ne bruisse plus de tentes mal arrimées, ne claque plus de coups de hache pour abattre le bois pour le feu, ne cliquète plus de passes d’armes, ne gronde plus sous les pas cadencés des soldats, ne résonne plus des ordres des capitaines et généraux.
Farwen savoure le silence, les oiseaux, les écureuils qu’elle devine plus qu’elle ne voit, éclairs roux dans la pâle lumière du jour naissant. Elle distingue le port en construction, se demande quand diable sera-t-il fini ? et puis laisse son regard errer au-delà des fondations dudit port pour se perdre sur les rochers délimitant la plage.
Re coup de tête, elle ôte ses bottes et descend marcher dans le sable encore froid de la nuit. Le sable sur ses pied, entre ses orteils, comme autant de points de massage, autant de chatouilles aussi - bon sang, elle ne doit surtout pas dire ça à Doch et Elsas ! Elle sourit, puis rit doucement, en se remémorant la soirée de la veille. Aurait-elle un caractère boudeur ? hmmmmm, c’est possible du moment qu’on peut en rire !
Toujours souriante elle s’approche de l’eau. Quelques vaguelettes viennent lui lécher les chevilles. C’est froid, elle a l’impression de soudain chausser deux tailles de moins ! Elle marche un peu dans l’eau et le sable, le sable et l’eau. Un instant hors de l’espace et du temps, comme au matin du monde, pour qu’elle oublie les difficultés, la guerre, la peur, la douleur – certains bleus ont mis du temps à partir, et elle a gardé des points de cicatrices un peu partout sur le corps, souvenir d’une inégale rencontre avec un géant français armé d’un gourdin à nœuds proéminents.
L’horizon semble lointain et proche à la fois, la lumière se fait plus franche, et elle sait que le soleil va bientôt apparaitre à l’est.
Tiens, d’ailleurs le voilà. Il lui faut maintenant rentrer. La mamé se lève en même temps que lui en va s’inquiéter de trouver le bol encore plein et la dame absente de son lit. Et puis ce sera le tour d’Alex, qui réclamera son petit déjeuner à grands cris et réveillera Sauvé.
Allons, son petit monde l’attend, il lui faut maintenant rentrer.
Lun 21 Juin - 7:59