Naissance ...

Farwen est enceinte. Et oui...
Farwen est enceinte, très heureuse, mais une légère appréhension commence à la gagner. Cet état de béatitude va forcément déboucher sur une naissance, donc un accouchement.

Accoucher... houlà! rien que d'y penser Farwen a la tête qui tourne et les jambes qui flageollent. Il va falloir qu'elle commence à se renseigner sur la mise en pratique de ce qu'elle ne connait qu'en théorie!

Bon, heureusement son amie de toujours, Paquita, sa Paqui, est en route vers Toulon. Une histoire de champs vendu... Bref, elle arrive! Farwen se promet de l'assaillir de questions sur le sujet qui la préoccupe.

Et puis il va lui falloir repenser un peu sa demeure : un lit d'enfant dans un coin, quelques jeux, des couvertures plus nombreuses, du bois pour le feu qu'il faudra maintenir toute la journée... on n'a pas idée d'accoucher en hiver!

Le 15 janvier 1458

Elle a à peine eu le temps, la mamé, le temps de dire oui au seigneur sombre aux yeux verts, qu'elle s'est retrouvée en cuisine - le temps d'avaler une soupe chaude et un morceau de pain frais et de metrre dans une sorte de coffre les herbes dont elle pourrait manquer et quelques nourritures dont l'amie du seigneur de lieux pourrait avoir besoin - puis sur le pas de la porte face à une grand gaillard qui l'a littéralement posée sur une cariole.
Elle n'a pas eu le temps, la mamé, le temps de poser une question que la cariole partait, passait devant son taudis pour qu'elle y récupère ses propres herbes, et filait vers Toulon.
Elle se dit, la mamé, elle se dit qu'à cette allure ils y seront avant le soir!
Et elle se rend compte, la mamé, elle se rend compte que la cariole ne contient pas que la nourriture jetée à la hâte dans un coffre : des ballots de linge, un berceau de bois, quelques marmites.... il est évident que la matrone qui veillait au bon fonctionnement de la maison à Aix avait veillé au confort de l'enfant à naître et de sa mère, l'amie de son maître...

Elle est donc arrivée d'Aix en cariole, la mamé, et la route a laissé des traces et des douleurs dans tout son corps. Elle gromelle un peu quand le gaillard la dépose sur le pas d'une maison... ah non, une taverne, elle entend des bruits de chopes et des rires.

Elle fronce les sourcils, la mamé, pour marquer sa désapprobation et se tourne vers.... ah non, il a disparu.
avec la cariole.
et son contenu.

mais que?

Elle soupire, et se décide à passer la porte de la taverne.
Elle ne voit plus très bien, la mamé, mais assez pour remarquer de suite une femme à quelques jours d'accoucher, cheveux noirs, grand sourire et rire sonore.

Ah ça doit être vous.

Le rire s'arrête, mais le sourire perdure et se tourne vers elle.

Ah? ça doit être moi?
Qui cherchez vous brave dame?
Ne restez pas sur le pas de la porte, le froid rentre et vous ne vous réchauffez pas. Approchez vous donc du feu et dites nous qui vous cherchez!
Et si c'est bien moi que vous cherchez, dites moi donc ce que je peux faire pour vous!

Elle ne comprend pas, la mamé, la dame brune veut faire quoi?

Non non, c'est moi qui viens faire quelque chose pour vous et pour...

La mamé désigne des mains le ventre de Farwen, comme prêt à éclater.

Farwen sourit toujours, mais ne comprend pas.
Une dame sans âge vient d'entrer en taverne municipale, et lui explique qu'elle vient pour l'aider à accoucher.
C'est bien gentil mais... d'où diable sort-elle?

Elle penche un peu la tête sur le côté, son regard interroge mais sa voix reste avenante

Vous venez m'aider?
Heu.... puis je savoir qui vous envoie?

Elle sourit, la mamé, elle sourit en découvrant un sourire avenant et une voix un brin essouflée.
Elle regarde le ventre de la dame, et sait que le début du travail ne devrait pas tarder. D'ailleurs la dame semble pleine d'énergie, et c'est le signe habituel du corps qui se prépare à la délivrance.

On m'appelle La Mamé, mais tu peux me dire Mamé, et c'est un noble ami à toi qui m'envoies t'aider. tu es bien....

et voilà, elle a oublié.
elle le savait, la mamé, qu'elle oublierait un nom aussi saugrenu.
alors elle poursuit

tu es bien la maire enceinte de Toulon?

Un noble ami? la maire enceinte?
Houla....
Du coup Farwen s'asseoit, un peu à l'écart des autres en taverne, et essaye de réfléchir.

La maire enceinte oui,c'est moi, et je m'appelle Farwen.

ça c'est fait. ensuite.

Mamé? va pour mamé, ça me plait bien.

bon, quant au noble ami... elle sourit

C'est Samuel qui vous envoie? Le seigneur de Trévières? Dahut? d'Aix?

Elle attend patiemment, la mamé, que la dame reprenne ses esprits.
Visiblement le jeune noble d'aix a omis de la prévenir....

Alors elle essaye calmement d'expliquer.

Je suis d'aix.
L'aut'jour dans les rues quand il faisait si froid y a eu des gens qui ont donné du pain aux pauvres. Des gens dans une cariole noire, avec un beau gars devant qu'espliquait.
Y m'a donné du pain.
Je connais un peu les plantes, alors j'me suis dit qu'les dames pouvaient avoir besoin d'mes services... faut ben manger!
et pis c'est l'beau gaillard qui m'a dit d'passer au chateau du jeune homme en noir.
alors j'y suis allée, y m'a parlé d'vous, y m'a mis dans la cariole avec l'beau gars et des paquets de partout, Y m'a posée là et voilà.

Elle sourit, d'un sourire qui n'a plus qu'une dent, la mamé, et se dit que ça fait longtemps qu'elle n'avait pas fait un aussi long discours.
Du coup elle a un peu soif, forcément, alors elle demande.

Oui, j'veux bienboire un coup.
Pis j'veux voir vot'maison, pasqu'y va falloir arranger.
De l'eau à chauffer, des linges propres....

Elle regarde le ventre de la dame, et hésite à lui dire que ce n'est plus qu'une question d'heures.

Faut que j'm'occupe d'vous, il a dit!
Alors faut que j'vous voie de près, ma mignonne.
Heu...
L'est loin vot'maison?

Bon, maintenant c'est clair.
Farwen est à la fois infiniment soulagée - avec ces histoires de mairie, de gardes, d'envahisseurs français, elle n'a pas eu le temps de chercher un accoucheuse - mais également inquiète.
Maintenant que l'accoucheuse est là, l'accouchement devrait avoir lieu.

Au moins celle là a l'air de vouloir prendre les choses en main, ça va lui faire du bien, à Farwen.

Oui mais voilà, elle a du boulot par dessus la tête : on parle des français assiégeant Aix, Aix d'où son Gross lui a envoyé un pigeon ce matin. Il espère revenir vivant, mais son bâton ne lui est qu'une arme indignifiante face à une armée...

Elle prend une grande inspiration, essaye de rassembler ses esprits... on n'a pas idée de préparer un accouchement pendant une guerre!

Ma maison? non, elle n'est pas loin.
Oui, je vais vous y faire conduire.
Vous m'y examinerez ce soir, si ça ne vous ennuie pas.
Pour le moment Toulon a besoin de moi...

Alors elle cherche des yeux quelqu'un disponible pour guider la mamé sur les 50 mètres qui éloignent sa maison de la taverne...

Quand on est pas maire, c'est beaucoup moins gênant de s'imbiber les organes de bière. Faisons de cela une vérité générale.

Spada l'aimait bien, cette vérité. Cela faisait quoi, un mois, même pas, qu'elle avait laissé la mairie à Farwen, et avec un plaisir non feint, elle sirotait tranquillement son jus de houblon, ou d'orge (elle ne s'était jamais vraiment posée la question). Chope sur chope. Sans courir partout, juste en restant assise en taverne, avec ses amis, son chien, les mioches et les oliviers. Non, soyons honnêtes. Les oliviers n'étaient pas vraiment dans la taverne, mais nous voulons juste parfaire le tableau que nous essayons de dresser pour vous faire verdir de jalousie. La Provence, quoi, et les vacances pour quelqu'un qui a cumulé trois charges durant des mois. Et qui commençait à s'émécher un peu. Chut.

Et puis une vielle dame qui rentrait dans la taverne, et qui parlait d'accouchement à sa Fafa. Accouchement, déjà ? Spada coula un regard en coin au ventre de son amie, et dut bien réaliser qu'il avait sûrement atteint la taille maximum, comme le machin-chose à l'intérieur.

Elle posa sa chopine sur la table, de manière un peu trop sonore. Disons que l'alcool faisait effet. Mais l'intention était là, et d'une voix qu'elle espérait la plus affable possible, elle proposa son aide.

Je sais où elle habite, moi, Farwen... Je peux vous y emmener si vous voulez !

Sourire amène, visage poli. Elle se leva et s'approcha de la Mamé.

Enchantée, je m'appelle Spada.

Elle chercha à lui serrer la main, mais il lui sembla que la Mamé, ou les Mamés, avaient quatre bras. Elle plissa les yeux, et se tourna vers Farwen, comme pour demander "Ben tu l'as trouvée où cette double-vieille ?", puis, n'obtenant pas de réponse à sa question muette, elle reposa son regard sur la dame en question.

Je vais vous conduire chez Farwen, suivez*hips*moi...

Elle ne laissa pas le temps à la Mamé de protester (si elle l'avait voulu), et ouvrit la porte de la taverne, l'entraînant à sa suite. Elle sentait la bière, cette bonne femme, c'étaient pas des manières d'accoucheuse, ça... Nous ne dirons pas que la charmante odeur émanait en réalité de Spada.

Vous voyez, c'est loin... 'Fin non en fait, pas tant que ça, 'fin j'veux dire, c'est pas loin, euh... Vous habitez où, vous ?

Arrivées devant la demeure de son amie, elle vit une charrette, et le charretier qui allait avec. Enfin, elle supposa que c'était un charretier, bien que les vêtements de l'homme ressemblassent plus à ceux d'un serviteur de château, ou d'un valet. Mais quand on est... pompette, on ne se pose pas ce genre de question.

Bonsoir monsieur, z'êtes avec la Mamé ? C'est pour Fafa et son bébé ? Attendez, je vais vous ouvrir, je sais où elle cache les clés...

Farwen reste bouche bée devant l'intervention - certes bienvenue - de son amie.
Elle ouvre la bouche pour la remercier quand... sacrebleu, elle se rend compte de l'état d'ébriété avancé dans lequel elle se trouve!
Elle recule donc d'un pas, grimace un sourire plus ou moins convaincant et espère que la mamé n'est pas trop sensible à l'odeur de la bière...
Elle la remercie donc d'un peu plus loin :

Merci Spada, merci... heu... en espérant que tu retrouves ma maison, hein...

Un sourire moqueur, puis s'adresse à la mamé

Je vous retrouve chez moi ce soir, à la fermeture de la taverne.
Installez vous donc tranquillement!

Un signe de la main, et elle repart vers les clients, et surtout vers la sécurisation de la mairie. fichue guerre...

Je sais où elle habite, moi, Farwen... Je peux vous y emmener si vous voulez !

Elle sursaute la mamé, en entendant cette voix de dans son dos.
Elle se tourne et découvre une brunette énergique et souriante... et à l'odeur fidèle de sainte Boulasse.
La mamé n'a rien contre cette sorte de gens, au contraire!
Elle lui montre donc son unique dent de devant dans ce qui se veut être un sourire, et la suit. ou plutôt se laisse entrainer par la demoiselle qui lui a pris le bras et l'a trainée dans une ondoyante promenade dans les rues toulonnaises, jusqu'à une maison devant laquelle - oh! - le beau gars et sa charrette semblent les attendre.
La brunette aussi l'a remarqué, et lui a lancé

Bonsoir monsieur, z'êtes avec la Mamé ? C'est pour Fafa et son bébé ? Attendez, je vais vous ouvrir, je sais où elle cache les clés...

Harald est descendu de la cariole, prêt à débarasser son fourbi dès que la porte serait ouverte.
Ce qu'elle fût plus ou moins rapidement, en fonction de l'état de la demoiselle qui a eu quelque mal à attraper puis soulever une espèce de pot métallique fendu, sous lequel une grosse clef était dissimulée.
Infichue de mettre ladite clef dans la serrure, aussi grosse soit-elle, la demoiselle!
C'est Harald qui est venu à son aide, la mamé n'a pas assez bonne vue mais elle c'est l'âge, hein, pas la bière.
Donc Harald a fini par prendre la clef des mains de la brunette - encore un prénom que la mamé ne retiendra pas - et a ouvert la porte.
Il les a laissées entrer, puis a commencer à vider la cariole de son contenu et empiler tout ça dans la maison.

Hola! Z'allez pas laisser tout ça au milieu?

Elle prend les affaires en main, la mamé, et se met à diriger le grand gaillard un peu surpris.

Les linges dans la chambre.
Non, j'sais pas où c'est, trouvez tout seul.
Les marmites ici, mais avec d'l'eau d'dans, hein, sinon c'est pas la peine.
Pis y m'faut un bon feu aussi.
Le berceau? dans un coin.
mes plantes! faites donc un peu attention!

Elle se précipite - enfin, comme elle le peut - pour lui prendre des mains ses biens les plus précieux et gromelle en dépliant et rangeant soigneusement les herbes, fleurs séchées, racines...

Puis elle le regarde aller remplir les marmites une à une et les mettre autour du feu qu'il a commencé par allumer... efficace le gars, se dit-elle.

Une fois tout ça fait, la brunette repartie, Harald remontée dans sa cariole, au grand regret de la mamé, elle s'est fait une tisane, la mamé, elle s'est assise au milieu des marmites au plus près du feu, et elle a attendu la maire enceinte. Fafa, comme l'appelle la brunette... et dans un demi sommeil la mamé se dit que oui, Fafa elle pourrait s'en souvenir...

Farwen rentre tard, harassée, avec une curieuse sensation au creux des reins et mal au dos.
Elle est surprise une seconde de voir de la lumière par les fenêtres et de la fumée qui s'échappe de sa cheminée, puis se souvient. La mamé envoyée par Dahut. L'accoucheuse. l'accouchement. et zut!

Elle entre et s'arrête sur le pas de la porte. Ce n'est plus tout à fait sa maison.
Un feu énorme, des marmites pleines d'eau qu'elle n'a jamais vues, des herbes plein la table, du pain des légumes et de la viande dans un coin, et la mamé assoupie sur une chaise au coin du feu.

Elle sourit et va pour la saluer quand d'un coup une douleur au creux des reins lui coupe le souffle. Elle ouvre la bouche pour crier et puis.... et puis plus rien.La douleur a disparu.

Alors elle fait comme si tout était normal, et elle salue la vieille dame.

Bonsoir mamé, je vois que vous vous êtes installée?
Et je vois que vous avez trouvé la soupe prête pour ce soir.
Mangeons donc!

Elle ouvre un oeil, la mamé, elle ouvre un oeil et voit la fafa de la brunette sur le pas de la porte, un peu surprise de voir sa maison un peu différente.
Elle la voit marquer l'arrêt, un peu plus longtemps que l'habitude, comme si....
Et puis elle lui cause :

Bonsoir mamé, je vois que vous vous êtes installée?
Et je vois que vous avez trouvé la soupe prête pour ce soir.
Mangeons donc!

Elle se lève, la mamé, pose les deux écuelles pleines de soupe sur la table, et regarde la dame du coin de l'oeil.
Une sorte de crispation de la machoire, un sourire un peu forcé, un voile de sueur sur la lèvre supérieure que le feu ne suffit pas à expliquer....
Elle sait, la mamé, elle sait que c'est pour cette nuit. demain tout au plus. le bébé est prêt. la dame pas encore.
Elle se lève, la mamé, et va rajouter quelques feuilles et une racine dans l'eau chaude, pour la tisane. pour essayer de faire dormir un peu la dame avant que les choses sérieuses ne commencent.
Elles mangent la soupe en silence, boivent la tisane, et la dame va se coucher.
Enfin, essaye. pour le moment elle semble avoir du mal à retrouver son lit.

heu... ces draps? ce berceau? ils sont arrivés avec vous?

Elle soupire, la mamé, cette manie qu'ont les jeunes de poser des questions alors que la réponse est évidente... elle au moins a appris à économiser les mots, donc les efforts! Elle hausse les épaules, la mamé, et répond.

ben oui.

Elle a un drôle de goût, la tisane préparée par la mamé, un peu âcre mais pas désagréable. Fadra qu'elle lui demande ce qu'elle a mis dedans. mais pour l'heure Farwen est fa-ti-guée. c'est à peine si elle tient sur ses jambes.
Elle reste un peu bête devant l'amoncellement de linges, de draps qui ont envahi sa chambre. et là, dans le coin, n'est ce pas un berceau? mais elle n'arrive pas à réfléchir. elle ne se pose plus de question. elle s'écroûle littéralement sur le lit, et sombre dans un sommeil sans rêve, un sommeil à peine naturel si on y réfléchit. sauf qu'elle n'y réfléchira jamais vraiment.

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Le 16 janvier 1458 - en fin de nuit

Un hurlement surnaturel la réveille brutalement.
Un hurlement et une douleur abominable.
C'est elle qui hurle.
Et c'est elle qui souffre, comme si ses reins se déchiraient.

La mamé est à ses côtés, et Farwen a l'impression qu'elle y a toujours été, toute la nuit.

Cette fois ça y est.
La dame a un peu dormi, très agitée, mais aidée par la tisane. Il le fallait, pour éviter qu'elle ne s'épuise avant la délivrance.
Un premier enfant, à son âge, ça pouvait être dangereux.

Ca y est donc, elle se réveille en criant.
La mamé l'oblige à boire quelque chose, un liquide chaud et odorant.
Elle l'oblige à se coucher.
Et elle continue de se taire, laissant la nature agir.

Comme la dame serre violemment le bois du lit de la main gauche, et qu'elle commence à réduire en charpie une partie des draps de la main droite, la mamé lui met un bout de bois dans la bouche. Ca n'aide en rien, mais ça évitera qu'elle se morde la langue. La mamé est très fière de ses accouchements. De sa manière de préparer les morts aussi, mais ce n'est aps ici la question. pas encore. et pas cette nuit.
La mamé fait un petit signe pour conjurer le mauvais sort. en espérantq ue le Ristote ne l'a pas vue.

Le travail avance donc.
La dame souffre, gémit, se tord dans tous les sens....
Bref, la dame accouche et ça va être long.

La mamé touche de ses doigts tordus, crevassés et malmenés par les rhumatismes, mais habiles et légers sur le ventre tendu de la dame.
La mamé manipule le bébé, l'aide à se tourner, le sens remuer... cette vie là ne tardera pas à voir le jour, la mamé en est certaine. Elle a vu des accouchements durer des heures, plus qu'un jour entier. Celui là ne devrait pas aller au delà de la soirée, voire de l'après midi.

Ah, la dame se calme, le jour commence à poindre, la première série de contractions est passée.
La mamé en profite pour nettoyer le visage de la dame, pour aller chercher de l'eau chaude et nettoyer l'entrejambe de la dame qui a enfin perdu les eaux, pour la faire boire une autre tisane, pour la réveiller cette fois - pas question qu'elle s'endorme pendant le travail, ça tuerait l'enfant!

La douleur, envahissante, terrible.
La douleur qui va la rendre folle, elle en est sûre.
Les reins qui se déchirent, le bois entre ses dents qu'il a fallu changer deux fois déjà... elle maudit Dahut et son engeance. elle maudsit les hommes et leur lubricité. elle maudit les femmes et leurs faiblesses. elle se maudit.

Elle voit le jour qui se lève.
Elle perd un peu le compte des heures, entre deux tourbillons de douleur et d'angoisse.
Elle essaye de suivre la respiration que lui insuffle la mamé à ses côtés.
Elle essaye de pousser.
Et elle hurle à pleins poumons.

Entre deux vagues elle reprend son souffle, ouvre des yeux hagards et boit docilement les préparations de la mamé.
Elle ne pose aucune question. elle sait que seule la délivrance viendra apaiser cette douleur lancinante. elle sait aussi que cette délivrance peut prendre du temps.

La mamé est satisfaite de l'évolution de la dame.
Il est deux ou trois heures de l'après midi - elle n'a pas bien entendu le clocher - et elle apperçoit presque le bébé.
La dame est prête.
Il va lui falloir se mettre à travailler.
Et donc il va falloir lui expliquer.

Z'êtes prête. le bébé va arriver. Il est là, tout prêt.
Mais va falloir qu'vous travailliez.
J'vais vous aider, n'vous en fait'pas.
Serrez le bout de bois

le troisième sera le bon, se dit la mamé, il est plus costaud que les deux premiers. elle a encore des bonnes dents la dame!

quand j'vous touche le ventre, vous poussez fort. plus fort. et encore plus fort. z'avez compris?

presque trop de mots, là, mais la mamé sait qu'il faut bien expliquer.
la dame hoche la tête, prend le bout de bois, desserre légèrement ses doigts emmêlés aux draps, la regarde comme si sa vie dépendait de cette mamé inconnue mais désormais familière à côté de son lit. ce qui en un sens est tout à fait vrai. d'ailleurs.

Farwen se dit qu'elle va assassiner la mamé à côté d'elle.
Pourquoi ne l'aide-t-elle pas?
Pourquoi ne la fait-elle pas dormir?
Elle est fatiguée.
Elle a mal.
Elle en pleure.
Et elle déteste ça.

Mais à chaque mouvement de la mamé, à chaque absence pour aller chercher de l'eau ou mettre la tisane à réchauffer, Farwen est envahie par la peur de la voir partir. Elle sait qu'elle n'y arrivera pas seule.

quand j'vous touche le ventre, vous poussez fort. plus fort. et encore plus fort.

Comment ça plus fort?
mais elle ne peut pas pousser plus fort!
Elle ne peut plus pousser du tout d'ailleurs.
Elle veut juste dormir.
Dormir et ne plus avoir mal.
Elle ferme les yeux...

Soudain la mamé est plus attentive, inquiète.
La dame semble épuisée. la dame va s'endormir. c'est le ryhthme de sa respiration qui a prévenu la mamé.

Non, faut pas dormir!

et VLAN! et re VLAN!!

La mamé met deux gifles à la dame. on ne dirait pas, hein, à la voir, toute petite toute frêle, qu'elle a encore autant de forces! la dame ouvre les yeux, du coup, et la mamé voit la colère dans ses yeux. c'est bon. elle est réveillée.
du coup hop! la mamé lui remet un bol de tisane pour hâter la délivrance.

allez, z'y êtes presque!

La colère et l'indignation ont mis un coup de fouet à la dame, qui se remet - enfin! - à pousser correctement.
Du coup la mamé voit la tête du bébé, et masse le ventre de la dame à pleines mains pour aider la sortie de ce petit être.
Tiens, il a des cheveux. noirs. comme la dame.
La mamé réfléchit. comme le noble d'hier aussi. hum, il n'y a pas de hasard...

Ah, la dame hurle. encore. demain elle sera aphone, il lui faudra du miel. comme d'habitude.
La mamé sourit aux anges. quand même, c'est mieux que de préparer un mort. plus salissant aussi, se dit-elle en voyant les linges sous l'entrejambe de la dame.

le bébé sort! poussez encore!

Un hurlement, encore. le dernier.
Puis le premier.
Le bébé est vivant.
La dame? aussi. enfin, normalement. mais pour elle c'est pas fini.

AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH

Son dernier cri.
Comme si la mort l'attendait.
mais non, son heure n'est pas venue.
Après le cri le silence, le silence et les pleurs qui coulent sur ses joues, le silence et un bébé que la mamé a emmitouflé dans des linges et couvertures, et posé sur son ventre.

Le silence et...

Oh bon sang

Encore? encore un bébé? ah non, ça c'est pas possible.
Elle sent qu'elle accouche d'autre chose, mais ce n'est pas un bébé.

N'vous affolez pas. c'est normal. c'est le nid du bébé de dedans vot'ventre.
J'vais m'en occuper.

Farwen respire. profondément.
Elle sent le bébé sur son ventre. Elle sent la mamé qui la lave puis la couvre.
Elle la voit prendre le bébé pour le nettoyer un peu aussi. de toute évidence, c'est un garçon. Ce constat lui arrache un sourire. Un p'tit gars. Un garçon. La chair de sa chair. le fruit de ses entrailles. le plus beau bébé que la terre ait porté. Il s'appellera Alexandre.

Alexandre Marius dou Paradou

La mamé repose le bébé sur le sein de sa mère. première tentative de tétée. aïeuh. pffff, va falloir s'y faire. heureusement ça ne dure pas longtemps, c'est la première.
Et comme la mamé emmaillote l'enfant et le pose dans le berceau - mais quand l'a-t-elle préparé? Farwen s'endort un vrai sourire aux lèvres.
Ca y est, elle est mère et maire.

Le 17 janvier 1458

Une nuit de sommeil entrecoupé de têtées, une journée de même... et puis un courrier est arrivé :

Citation :: Douce Florence

J'ai fait envoyer une vieille dame a tes cotés. Je ne sais si le jour est deja passé.
Depuis quelques temps je ne suis a travailler sur le campement militaire. Bien rare son les moment pour ma vie privée. Je m'en veut de ne pas pouvoir etre a tes cotés.
Meme si la guerre frappe je ferai tout ce qui est en mon possible pour te revenir apres et ne pas fermer définitivement les yeux sans voir notre enfant.
Peut etre arriverai je meme a temps. Peut etre pas mais sache que je pense a toi.
Prenez soin de vous

Samuel

Farwen sourit, elle avait deviné.
Son regard croise celui de la mamé, qui est restée à ses côtés pour l'aider à s'occuper du bébé.
La mamé lui montre son unique dent, elle a compris de suite en voyant le courrier arriver. Et puis le merle l'avait prévenue ce matin. Elle n'a rien dit de ce réseau d'information à la dame, à la Fafa de la brunette. Elle attend encore un peu, pour être sûre.
Alors la mamé reprend Alex dans ses bras pour le coucher, et tend un parchemin et une plume à la dame encore alitée. avec un morceau de bois pour s'y appuyer. elle pense à tout, la mamé.

Farwen hésite, puis se décide à écrire :

Citation :: Cher Samuel,

Merci infiniment, merci pour tout!
Le contenu de votre cariole a très rapidement trouvé sa place : herbes et denrées en cuisine, marmites au coin du feu, linges et berceau dans ma chambre. et la mamé à mes côtés. elle semble hors du temps, mais m'est devenue en peu de temps indispensable.

Tenez, là elle est à côté de moi et veille sur Alexandre, né hier 16 janvier 1458. Il a votre sourire et mes yeux, je pense... il a surtout nos cheveux noirs d'ébène!
Et je sais que si je peux vous écrire aujourd'hui, avec notre enfant à mes côtés, c'est grâce à elle, à son savoir et à ses herbes. Donc grâce à vous qui me l'avez envoyée.

Vous savoir à la guerre m'inquiéte mais je sais que vous porterez haut vos couleurs et votre famille. Je m'emploie de mon côté à sauvegarder la ville tout en alimentant les comté de ce que Toulon arrive encore à produire.

Sachez que je pense à vous et que je prie pour qu'Aristote vous garde et vous ramène à nous.
Je vous envoie donc les premiers gestes d'Alexandre Marius dou Paradou, dit Alex par la mamé qui a trouvé tout ça trop long. Il a l'air d'apprécier, lui aussi!

Gardez vous bien,
Florence.

PS. Quelles dispositions avez vous prises pour la mamé? j'ai dans l'idée de la garder avec moi quelques temps, je le lui proposerai probablement demain.

Et voilà.
Elle repose la plume et s'adosse un moment contre lesoreillers, un peu fatiguée par l'exercice.
La mamé s'approche, prend le parchemin, et lui met entre les mains un bol de soupe : pour le moment elle n'avale que du liquide, avec des légumes écrasés et de la graisse, consigne de la vieille dame!
La mamé observe la Fafa de la brunette avaler consciencieusement le liquide fumant, et sait que les herbes qu'elle a mis dedans la feront dormir profondément jusqu'à la prochaine têtée. Ca tombe bien, elle aussi a une lettre à écrire.
Farwen la regarde repartir avec le bol vide, sent la fatigue l'envahir, et s'endort consciencieusement.

Elle est satisfaite, la mamé, la dame reprend des forces doucement, le bébé tête son content régulièrement, et la dame semble avoir assez de lait pour le satisfaire. au moins elle n'aura pas à chercher un nourrice.
Elle est contente, la mamé, tout s'est passé comme elle l'avait deviné!
Et puis elle espère, la mamé, elle espère rester un peu. Ici elle mange chaud, même si pour le moment elle n'a pas vraiment pu dormir, et surtout elle n'a plus froid.

Elle a laissé la dame dormir, aidée par la soupe et surtout par le pavot qu'elle y a mis. Il faut qu'elle trouve de la bière, pour que la dame puisse continuer à nourrir le bébé. Elle fronce les sourcils, la mamé, il faudrait que la brunette repasse....

Elle a en main la lettre de la dame pour le seigneur.
Elle sait, la mamé, qu'il lui faut en écrire une aussi.
Et c'est là que tout se complique.
Elle soupire, prend un autre parchemin, la plume qu'elle regarde comme si c'était sa pire ennemie, et essaye d'écrire

Citation :: ~~seni~~

Sacrebleu, elle ne sait même pas par quoi commencer! ni même comment il s'appelle! Bon tant pis, il comprendra

Citation :: salu
la dam a lenfen
tou cé ben pacé
pa trolon mé dur
fé coi?

Elle ne sait pas écrire son nom, la mamé, alors elle ne signe pas. Il saura bien, le noble aux couleurs sombres, de qui ça vient.
Elle contemple son oeuvre raturée et gribouillée, avec une grosse tâche dans un coin... de la soupe visiblement. tant pis.
Elle espère que le seigneur la laissera là un moment, surtout avec cette guerre dont elle entend parler partout.
Elle envoie donc les deux messages par pigeon, et décide de prendre - enfin! un peu de repos. La prochaine têtée est dans quelques heures maintenant...

le temps que le pigeon franchisse les murs de Toulon, elle dort déjà...

Le 18 janvier 1458

Farwen est réveillée et se sent bien.
Le pâle soleil d'hiver joue un instant dans les voiles du berceau, effleurant d'un rayon les joues de rose du bébé. son bébé. Alexandre. Alex.
Elle sourit aux anges et à la mamé qui trifouille ses plantes.
Elle se décide donc à lui poser la question qui la tarabuste depuis la veille

Mamé?
Je ne sais pas ce que vous avez convenu, avec Samuel, mais si vous le voulez bien je voudrais vous garder quelques temps avec moi.
elle hésite
Pour garder Alex, pour vous occuper de la maison...
et pour vous occuper de moi pense-t-elle sans oser le dire.

un silence, elle continue
bien sûr vous logerez ici et mangerez avec moi...

un silence encore, elle attend désespérément une réponse qu'elle essaye de deviner dans le regard de la mamé, qui finit - enfin! - par répondre

oui

Réponse laconique et complète.
Farwen lui sourit, de suite rassereinée, et reprend la planche de bois, un parchemin et l'encre comme la veille. Elle a encore un courrier à écrire, avant que sa cousine ne vienne lui faire une scène!

Citation :: Ma chère cousine, ma Délia, Doch,

je viens à toi par missive interposée pour t'annoncer la grande nouvelle que tu attends sûrement : samedi est né Alexandre Marius dou Paradou, ton petit cousin, le plus beau bébé du monde!

je n'avais bien évidemment rien prévu, l'accouchement n'était pour moi qu'une théorie, un concept... heureusement Samuel a pensé à tout et m'a envoyé la mamé pour l'aider. il faut absolument que tu la rencontres, elle est extraordinaire! et elle a accepté de rester un peu pour m'aider : la mairie est prenante en général, mais en temps de guerre, c'est épuisant!

Ton neveu, la mamé et moi t'attendons donc avec impatience!

Qu'Aristote te garde et guide tes pas jusqu'à nous,
Ton petit cousin et ta cousine,
Alex et Flo.

Farwen a sourit en écrivant cette lettre. elle ne sait pas comment communiquer son bonheur, mais la mésange a chanté, et c'est sûrement un bon présage : Samuel et Délia viendront jusqu'à Toulon, elle en est sûre!
Elle ne pose pas la question à la mamé, pour ne pas être déçue : elle semble avoir un lien particulier avec la faune et la flore, il faudra approfondir tout ça!
Tant de choses à apprendre...

Et voilà, je pense à elle et elle lève soudain la tête pour me regarder... les fées existent elles, se demande Farwen?

Elle soupire, puis reprend les comptes de la mairie en attendant la prochaine têtée. fichus impôts....

A peine a-t-elle pris en main les liasses de compte qu'un coup est frappé à la porte. des coups d'ailleurs.
La mamé lui jette un coup d'oeil et se lève, lentement, va ouvrir la porte et revient, avec un courrier qu'elle tend, pas trop vite mais avec une drôle de lueur dans l'oeil à Farwen.

Citation :: Ma douce

Merci, merci mille fois pour se cadeau du ciel...
La Mamé est a ton service... je l'emploie.
Je te rejoints au plus vite pour t'embrasser ainsi que notre fils...
Qu'il doit etre beau !

Je suis un peu emu. Puis la pression de chaque jour qui passe dans ce climat fait que je me sens vraiment febrile rien qu'a te savoir avec un ange dans tes bras...

A tres vite
Samuel

Farwen sourit, son regard croise celui de la mamé... elle savait, un coup de la mésange, ça, Farwen en est sûre!

Bien sûr qu'elle savait, la mamé, comme elle attendait le message annoncé par le merle et qui est arrivé en même temps que l'autre message, qui a mis un vrai sourire dans les yeux de la dame.

Samuel a écrit:: Bonjour,

De savoir que tout s'est bien passé me ravit le coeur... Si la maman consent a vous garder quelques temps au pres d'elle vous devriez en faire ainsi. J'espere me liberer au plus tot pour me rendre a Toulon voir le petit et sa mere.
Harald doit posseder une bourse de 15 ecus à vous remettre. Je vous donnerai plus si vous decidez d'assiter plus longtemps Farwen.

Croyez en mes remerciements profond

Elle est perplexe, la mamé, il y a trop de mots dans cette lettre, elle ne comprend pas tout, alors elle la tend à la dame sans un mot.
Elle n'est pas sotte, la dame, elle va comprendre qu'il faut la lui lire et expliquer!

La dame prend la lettre, lit, et éclate de rire.
Elle ne comprend pas, la mamé, mais attend des explications qui ne tarderont pas à arriver : la dame est encore jeune, elle ne sait pas encore économiser les mots...

Le courrier est de Samuel. Il vous remercie pour les nouvelles, et va essayer de venir. Le gars qui vous a amenée ici doit avoir de l'argent pour vous.
Le sourire de la dame d'élargit
et surtout il vous demande de rester avec moi, si vous êtes d'accord!

Elle semble contente, la dame, mais la mamé soupire. elle a pourtant déjà répondu à la question!
Alors elle tend la planche de bois, un autre parchemin et l'encre à la dame, pour qu'elle réponde à sa place. après tout pas besoin d'être deux à écrire.

Farwen a lu le message de Samuel à la mamé, pauvre mamé qui n'a pas su déchiffrer l'écriture du noble lettré....
Elle a expliqué, et a lu dans le geste de réponse de la mamé la phase suivante des opérations : une seule réponse, commune, pour dire que la mamé accepte.
Et voilà, elle devient secrétaire de la mamé!

Elle prend donc la plume et écrit

Citation :: Mon cher samuel.

Alex, la mamé et moi vous attendons avec grande impatience!
La mamé a accepté votre offre, que je lui avais également faite un heure à peine avant que votre courrier n'arrive.
C'est une grande joie et un vrai soulagement de l'avoir avec moi, même si j'ai quelques doutes quant à ses relations avec les oiseaux.
Ils semblent lui parler... je vous assure!

Je verrai Harald et sa bourse dès que je pourrai me lever.
Quant à payer ses services pour les jours à venir, je pense que le logis et le couvert, un feu bien attisé, des plantes à ramasser, trier et faire sécher, et quelques messages du merle ou de la mésange lui suffiront pendant un moment.

Qu'Aristote vous garde, mon ami, et vous ramène à nous,
Florence.

Elle croise le regard de la mamé en posant la plume et la rassure d'un sourire. oui, elle a tout dit.
Elle lui confie ce second courrier et reprend.... ah non, Alex se réveille, la têtée est attendue, les impôts attendront!