Une pêche macabre

Chouette, encore un jour à la pêche. Célia aime ça la pêche. Il faut se lever tôt, il fait froid en plus aujourd'hui, mais c'est pas grave. Maman lui met toujours tout plein de vêtements, et puis c'est chouette d'aller en mer, elle aime tellement qu'elle en oublie le froid et le vent qui lui souffle au visage. Elle rit, sa main bien plantée dans celle de sa maman.

Les voilà parties, maman qui rame face à Célia qui observe l'horizon de ses grands yeux. Elle se demande toujours pourquoi elles ne le rejoignent pas l'horizon. Un mystère, et maman n'a pas réussi à lui expliquer. Elle sait pourtant tout maman. Le froid rougit ses joues, ses yeux bleus brillent. Elle se penche un peu pour toucher l'eau, mais la remonte aussitôt. C'est glacé! Comment ils font les poissons pour vivre là-dedans?
Maman la gronde gentiment, elle se rassied correctement. Non, faudrait pas tomber, c'est bien trop froid. Elle promet à maman de ne plus s'approcher du bord.

Ah, la barque s'arrête.

'a du poisson ici manman?

Quand elle disait que maman savait tout. Même où est le meilleur endroit pour pêcher. Et elle est magicienne en plus. Elle trouve toujours un moyen pour l'utiliser. Enfin, le manger surtout. Mais comment elle fait. Elle a déjà tenté de mordre dans un poisson qu'elles venaient de pêcher, mais c'était pas bon! Elle avait été dégoutée. Avec sa maman, c'était toujours bon. Et chaud!
Et au soir, après mangé, elle aurait droit à une jolie histoire, comme tous les jours.

Célia arrête un instant de babiller et d'observer les mouettes pour se concentrer sur sa jeune mère. Elle aussi veut apprendre à pêcher. Et plus tard, c'est elle qui ramènera le poisson à la maison! Pour ça, elle fait toujours bien attention aux gestes de sa maman, pour pouvoir les refaire à son tour.
Eh, mais c'est pas normal ça. Le filet, il s'enroule autour du pied de maman!!
Impossible de la prévenir, maman a déjà lancé le filet. Horrifiée, la petite observe sa mère perdre l'équilibre et plonger en avant.

MAMAAAAAAAN!!

Un gros plouf! Maman est dans l'eau! Un frisson, souvenir de l'eau glacée qu'elle a touché un peu plus tôt. A-t-elle le droit d'approcher le bord?
Il y a beaucoup de bruit, des éclaboussements, des crachotements. Après un instant d'hésitation, Célia se dit qu'elle peut quand même aller voir! C'est sa maman tout de même, et elle est très inquiète.
Se penchant par dessus la barque, elle s'attend à voir maman nageant un peu avant de remonter. Mais c'est pas ça du tout. Elle se débat maman, il y a quelque chose de pas normal. Célia continue à crier, il faut qu'elle remonte dans la barque! Elle a peur toute seule en plus!

Elle ne quitte pas des yeux sa mère, qui en fait autant. Son regard de fillette ne comprend pas tout, pourtant, elle sent qu'il y se passe quelque chose. La peur de Chrys ajoute à la sienne. Elle ne sait pas pourquoi, elle se met à pleurer, hoquetant, répétant "Maman", parfois plus fort, parfois, presque un murmure, une supplique.
Les larmes coulent sur ses joues. Elle en voit aussi sur les joues de sa mère, ou est-ce l'eau de mer? Tout est mouillé.

Lentement, maman disparait sous l'eau. Célia hurle encore, tendant la main vers elle. Elle veut la sauver!

Jour de pêche aujourd'hui. Yunette s'est levée tard, toutes les offres d'emplois étaient prises, pas de maréchaussée... Semi farniente, avec sa ligne, sur l'épaule, Galaad plus qu'emmitouflé dans son couffin. Il était hors de question qu'il attrape froid. Dans la barque il serait à l'abri du vent au moins.

Prudemment, elle monta dans sa barque, déposant son fils au fond. Une fois qu'elle fut bien stable elle détacha l'amarre. Elle n'était guère rassurée, chaque fois qu'elle devait aller à la pêche c'était le même souci. La peur, la peur viscérale de l'eau et de se noyer. Il faudrait qu'un jour elle apprenne à apprivoiser cet élément. Vivre au bord de l'eau et n'aller au dessus qu'en étant apeurée, ce n'était pas une vie!

Elle prit ses rames et s'avança vers le large, pas trop vite. Le temps était glacial, venteux, mais la mer n'était pas démontée pour deux deniers. Au loin, les barques de plusieurs toulonnais. La vue est belle à cette heure, le soleil a pointé son nez depuis quelques instants, réchauffant sensiblement l'atmosphère. Elle rame. Elle se retourna pour voir mieux estimer la direction à prendre et, heureuse, se rendit compte qu'elle approchait de la barque de Chrys, reconnaissable à sa couleur bleue.


Quelque chose n'allait pas. Des sanglots, elle percevait la voix de Célia au milieu du vent. Elle se retourna pour mieux voir, restant interdite quelques instants. Elle ne voyait pas la silhouette de Chrys.
Elle se mit à ramer plus vite, ne prenant pas garde à l'eau qui l'aspergeait, résultat de ses mouvements frénétiques. CHRYS! Galaad, surpris par ce cri se mit à hurler, elle n'en eu cure et atteignit enfin la barque de Chrys. Elle attacha les deux barques ensemble. Célia était penchée sur le bord, lui tournant le dos. Elle alternait sanglots, hurlements et gémissements. Tendant la main vers l'eau, vers ce que Yunette ne pouvait voir et redoutait par dessus tout. Chrys... Chrys.. dis moi que t'es là... elle changea de barque, sans vraiment réfléchir, et plongea son regard à l'endroit où plongeait celui de la petite. Un cri, inaudible, muet lui déchira la gorge. La sous ses yeux...

Elle attrapa la gamine qui s'accrochait à la barque lui desserrant les doigts de force et la déposa dans la sienne, au côté de Galaad. Elle hurlait toujours la pauvrette, mais Yunette devait faire autre chose. Ses larmes silencieuses coulaient sans qu'elle esquisse un geste pour les essuyer. Elle attrapa le filet, le lourd filet que Chrys avait passé tant de temps à faire, et elle tira, le hissant, relevant la macabre pêche.
Chrys, bleuie, exsangue. Le visage gonflé, la bouche ouverte dans un cri fatal. Ses yeux bleus grands ouverts, un regard qui malgré l'horreur de la situation, débordait d'amour. Yunette frémit, songeant que Célia devait avoir eu cette dernière vision de sa mère.
Elle finit de la hisser, tentant de lui fermer les yeux, mais n'y parvint pas, sans doute sa main tremblait trop. Elle prit sa propre cape et en recouvrit le corps de son amie.

Elle prit Célia dans ses bras, essayant sans conviction de la calmer. Elle détacha les barques pour les amarrer ensemble différemment. Le retour allait être long, très long. La barque bleue suivant la sienne, Célia face à elle, elle rama, face à l'horizon, il fallait qu'elle rentre, qu'elle prévienne Dark... Par Aristote... Comment allait il vivre ça? Et Célia... si jeune...

Les joues ruisselantes elle contemplait la petite à peine plus vieille que son petit Galaad, la petite qui semblait comprendre que maman ne bougerait plus.

La neige se remet à tomber.

Le froid se fit plus mordant, les mains de Yunette étaient gelées. Elle ne les sentait plus, sa conscience engourdie, le rythme ne faiblissait pas. Un choc, léger, elle est arrivée au port, elle ne s'en est pas rendue compte. Elle relèva la tête. Célia... Chrys... Galaad ne pleurait plus depuis un moment, elle ne l'entendait plus, ne percutait plus rien. Chrys...

Un sursaut, réagir, il le fallait. Elle attacha sa barque au ponton, attrapa le couffin, son fils paraissait bien calme, engourdit par le froid, un petit peu. Elle prit Célia, la posa sur le rebord, la petite n'avait pas l'air de tout saisir, si jeune, trop jeune. Elle secoua la tête, ne pas penser, surtout ne pas penser. Un regard sur la barque bleue, la barque et sa funeste pêche, les larmes l'envahirent. Elle monta sur le ponton, le couffin à la main. Célia dans ses bras, elle avança, perdue, éperdue. Le poste de garde, la vigilante, elle y était, presque. Elle trébucha, se rattrapa, DARK!

Personne n'arrivait, elle hurla plus fort, de toutes ses tripes, DARK! DARK! Dark...Dark..., sa voix faiblit, ses jambes se dérobèrent, elle resta là, prostrée, ne trouva plus la force de se relever. La neige tombait sur elle et les enfants qui pleuraient.

Deux mains sur ses épaules, Dark. Elle se releva, expliqua ce qu'elle savait, comme elle le put, sans essayer d'adoucir la nouvelle. Le regard qu'il eut la fit frémir. Il appela deux hommes et partit en direction du port. Ses cris, Yunette les entendit comme si elle était tout à côté. Sa douleur la traversa, elle eut mal pour lui, pour eux, pour cette vie gâchée.

Elle entra dans le poste de garde, dans un état second. Il fallait réchauffer les enfants, elle le savait. Comme un automate, elle enleva les vêtements de la petite que la neige avait transpercés, les mis à sécher près du feu, frictionna l'enfant, son fils aussi. Elle les installa près du feu et entreprit de préparer un lit de fortune. Dark allait sans doute ramener Chrys ici, et il faudrait qu'elle soit bien. L'ironie de cette pensée lui arracha un rictus effrayant, elle se reprit, songeant à la petite.

Elle s'assit à même le sol, prit Célia dans ses bras, la berçant doucement, Galaad, revigoré par la chaleur s'était endormi paisiblement. Elle serrait l'enfant, se balançant d'avant en arrière. Trop plein de questions qui se bousculaient en elle, elle avait besoin de se sentir protégée. Comme la petite Célia elle eut voulu être bercée, consolée. Galuche, ou es tu? Ses larmes ne tarissaient pas, elle finit par sombrer dans un demi-sommeil, une semi-conscience, ivre de chagrin, la petite toujours dans les bras.

Laydden était à la fenêtre, perdu dans ses pensées. Les premières neiges avaient complètement figé le paysage et conféré à Toulon un aspect inhabituel. Partout dans les rues, l'animation régnait. La ville entière en fait était devenue le théâtre des jeux des enfants, petits, grands, et très grands. A n'en pas douter, cette journée était placée sous le signe de la gaieté!

Laydden entendit Yunette bien avant qu'il ne la vit. Son regard croisa alors brièvement celui de Fabiollan. Les deux hommes se regardèrent, interdits, pétrifiés par le ton de leur amie. Il hésita une seconde, le temps de voir Darkbrice sortir en trombe, et suivit ce dernier à distance

Laydden était trop loin pour comprendre ce que Yunette apprit à Darkbrice d'un air funeste. Il n'en eu cependant pas besoin. Résigné, il commença à se préparer au pire et suivit au pas de course son lieutenant, lorsque celui ci le demanda.

Les 3 hommes furent accueilli par une violente bourrasque au port. L'air était sec, le ciel sans nuage. Seules deux barques étaient amarrées: celle de Yunette... et une barque bleue que Laydden reconnut aussitôt.

une barque bleue sur une mer bleue, contenant un corps avec des lèvres bleues, des doigts bleus, et des yeux bleus arrêtés sur le ciel azur

Laydden observa, interdit, Darkbrice s'effondrer sur le corps inanimé de sa belle. Pétrifié, ne sachant quoi faire, ni quoi dire, il resta là à se taire pendant les plus longues secondes de sa vie. Il fallait cependant réagir, à défaut d'agir

Enfin, d'une voix hésitante, il parvint à articuler:

-Dark...

Pas de réponse

-Dark..., reprit-il d'une voix plus forte
-Viens!
Laydden posa sa main sur l'épaule de son compagnon et le secoua légèrement
-Tu ne peux plus rien pour elle

Se retournant vers Fabiollan, il supplia
-Emmène-le s'il te plaît


Il fallait maintenant s'occuper de Chrysopale et cela, nul ne devait l'imposer à Darkbrice

Tiens, un attroupement au port...Songea Kylah qui était encore sur l'eau, revenant de sa pêche. Elle pagayait ferme pour braver ce mauvais temps comme elle pouvait. Au fur et à mesure qu'elle s'approchait des quais, elle distingua une, deux...Trois silhouettes. Des éclats de voix aussi, des cris même. Mais le vent sifflant l'empêchait de comprendre la teneur de la discussion qu'elle pensait être une dispute.

Maudissant ce temps hivernal, elle regagna de puissance dans ses coups de rames pour les derniers mètres qu'il lui restait à parcourir. S'il y avait une altercation, elle voulait en être témoin pour empêcher les gens d'en venir au mains.

Mais un cri bien plus fort que les autres la pétrifia alors qu'elle amarrait sa barque à un anneau de métal. C'était la voix de Dark. Mais cette détresse-là, elle ne l'avait jamais entendue. Et pourquoi avait-il hurlé le nom de Chrys en plus?!

Kylah délaissa sa barque et tout son contenu pour se ruer sur les quais et courir à toute allure en direction du cri qu'elle venait d'entendre. Fabiollan...Laydden...Et enfin Dark, à genoux au sol en train de serrer le corps inerte de son amie. Le regard de Kylah eut parcouru la scène en une fraction de seconde, une éternité durant laquelle elle resta interdite à fixer ce funeste tableau.

Mais la forte voix de Laydden la fit reprendre ses esprits. Elle jeta un regard entendu à Laydden, ainsi qu'à Fabiollan. Elle s'accroupit à hauteur de Dark et posa une main sur son bras.

Dark... Mon ami...Va avec Fabiollan. Nous sommes là... Kylah murmurait d'une voix incertaine, refoulant ses sanglots pour ne pas déstabiliser encore plus - si cela pouvait être possible- son ami. Elle serra un peu plus le bras de Dark pour tenter de le ramener à la réalité.

Dark...Allez, va avec Fabiollan. Nous sommes là. Qu'elle répéta doucement...

Paquita rentrait de la forêt, elle peinait à avancer, le dos chargé d'un fagot de branches mortes qu'elle venait de collecter pour se chauffer par cette glaciale journée.
Elle cheminait lentement, ses pas crissant dans la neige fraîche.
Elle arrivait sur la place de la fontaine quand une rumeur semée de cris stridents la fit se redresser.
Il se passait quelque chose, là-bas, devant elle...
Elle se hâta malgré le poids du fagot et la neige contrariant chacun de ses pas.
Quand elle déboucha sur le port, il lui fallut un moment pour comprendre la situation.
Un attroupement sur le quai, la posture douloureuse de chacun lui fit pressentir une funeste nouvelle.
Elle approcha un peu... elle reconnut avec stupeur Dark, agenouillé, Laydden près de lui, Kylah le secouant...
Dark était-il malade ? blessé ?... elle fit encore quelques pas ...elle vit d'abord les jambes étendues sur le sol, son regard alla de la barque bleue de son amie à ces chausses qu'elle reconnut enfin. Ses genoux fléchirent sous le choc, elle eut un hoquet.
Puis elle aperçut Dark se relevant, rentrer lentement au poste de police, appuyé sur le bras de Kylah.
Toute l'horreur de ce qu'elle redoutait l'enveloppa soudain, c'était bien son amie, la tendre et douce Chrys qui gisait là... Elle vit les gardes la soulever pour la transporter.
Son inutilité lui fut soudain insupportable...
Se décidant soudain, elle se dépêcha de rentrer chez elle. Il faudrait une soupe chaude à tous ces vivants... cela l'occuperait, lui donnerait une raison de respirer, d'avancer, à elle, qui se sentait soudain un grand vide au creux de la poitrine.

Dark était effondré au bord du lit, serrant la main glacée de Chrys.
Dark tu ne peux rester ainsi, il faut que nous nous occupions d'elle
Fabiollan desserra la main de Dark doucement et se tourna vers Layden
Layden, peux tu l'emmener près du feu et lui faire boire une tisane de verveine-tilleul avec une cuillère de miel de lavande, cela devrait le calmer
Layden, sortit avec Dark les épaules secouées de sanglots
Kylah tu peux m'aider s'il te plaît ? nous ne pouvons la laisser ainsi.
Fabiollan se détourna le temps que Kylah déshabille Chrys et que son torse fut couvert.
Nous devons lui rendre son visage de tous les jours Kylah
Il ne faut pas qu'ils gardent cette dernère image de Chrys
Quel malheur, et sous les yeux de sa fille en plus !
Quelqu'un s'en occupe-t-il ?
Fabiollan se détourne quelques instants et après un gros soupir:
Allez Kylah, je vais lui masser le visage, peut être arriverons nous à lui redonner presque le sourire, as tu ce qu'il faut dans ta besace tu pourrais lui redonner un peu de couleurs.
Fabiollan détendait délicatement du bout des doigts les muscles du visage de Chrys

Fabiollan c'était reculé un peu quand Kylah s'approcha avec son baume
Il commençait à ressentir toute la tristesse entrée dans cette maison, à coté la petite ne pleurait plus et Dark semblait s'être un peu calmé il ne l'entendait plus
C'est vrai qu'il ne connaissait pas bien Chrys, ne l'ayant rencontré que récemment pour la construction de sa maisonnette.
Tant d'amis connaissaient cette famille, la joie de vivre n'était pas prête de revenir à Toulon
Quel malheur !
Fabiollan regardait Kylah en pensant qu'elle était bien courageuse
C'est beaucoup mieux ainsi.. tu devrais aller te reposer aussi Kylah, je vais rester ce soir
Fabiollan entrouvre la porte de la chambre et chuchote
Que fait notre curé ? Est il prévenu ?
Il est quand même plus habilité que nous à gérer ces situations, ne serait ce que pour soutenir Dark et Célia.
Fabiollan s'accroupit dans un coin et commence à veiller Chrys...

Ces instants avec Darkbrice, Laydden les passa comme un automate: mécaniquement. Il ne savait comment consoler l'inconsolable, comment redonner la vie avec des mots, comment réparer ces déchirements. Ses gestes, ses mimiques, ses paroles sonnaient comme de maladroits essais. Laydden était comme un apprenti sorcier tentant le plus impossible des prodiges.

Et pourtant, mécaniquement, il essayait! Il tentait, du mieux qu'il pouvait d'assister Darkbrice et de panser ses plaies. Sans y croire un instant, certes! Mais il tentait! Laydden était un homme dérisoire, luttant, comme ses semblables avec des moyens dérisoires dans une blague macabre, tragique et pathétique que certains appellent la vie.

Mécaniquement, Laydden emmena son compagnon à l'écart, doucement, mais fermement. Appliquant la recette de Fabiollan ( ou une autre mais cela avait il une importance? ), il tenait bientôt à la main une tasse fumante qu'il tendit à Darkbrice. Sans un mot, ce dernier accepta et commença à boire, silencieusement, se rendant à peine compte que le liquide était brûlant. Laydden se rassit alors face à lui, l'observa et dit quelques paroles. Son accent gaëlique, ( était ce l'émotion? ) roulait comme il ne l'avait jamais fait depuis son arrivée à Toulon:

-Tu n'es pas seul! Sois assuré que personne ne te laissera tomber!

Il se tut quelques secondes, hésitant à poursuivre tant ses paroles lui parurent vide de sens et dérisoires. Il n'était même pas sur que Dark l'écoutait. Cependant, il reprit

-Si jamais tu as besoin de quelque chose, un objet, une présence, une aide, n'hésite pas!

Et il resta là, face à lui, immobile, une minute, une heure, un jour ou une seconde, attentif à la moindre de ses paroles, à la moindre émotion sur son visage. Il attendait... mais il était là.

Ils étaient entrée, l'avaient ramenée, Yunette les entendait, comme s'ils étaient ailleurs, elle ne se sentait pas le courage d'affronter encore l'image de son amie. Elle voulait tenter d'oublier cette vision de garder un autre souvenir d'elle. Chrys, son amie, elle voulait la garder en elle, souriante, serviable, belle comme elle l'avait toujours été. Belle comme Célia le sera, elle lui ressemblait tant! La petite s'était assoupie, éreintée d'avoir tant pleuré, elle s'abandonnait, confiante.

Elle osa un regard vers Dark, Dark et sa détresse, sa trop grande douleur. Une aura de tristesse l'entourait, palpable. Comment ferait il avec la petite? Il faudrait qu'il se reconstruise d'abord. Elle serait là, ainsi que tous leurs amis et il le savait. Et s'il ne le savait pas encore, il le saurait...
Ses yeux, brouillés par le chagrin firent le tour de la pièce, Laydden aux côtés de Dark, Fabiollan et Kylah qui s'occupaient de Chrys... Kylah qui avait redonné à Chrys un visage familier, courageuse Kylah. Courageuse, mais qui n'en pouvait plus, ne s'autorisant pas de craquer.

Une voix, hésitante, mais qu'elle connaissait bien lui réchauffa quelque peu le cœur. Elle se retourna tout à fait laissant Célia à Dark qui voulait lui parler et ne quittait pas Galuche des yeux, lui seul saurait alléger cette douleur qui lui broyait le cœur. Elle se leva, difficilement, acquiesçant aux paroles de Dark sans vraiment les entendre... lui confier Célia, pourquoi pas... Kylah la reprit des bras de son père qui demandait à être seul, seul avec sa bien aimée. Elle recouvra son fils dont les vêtements avaient séché puis s'avança vers Galuche, mécaniquement. En passant devant son amie, allongée là, son regard fut irrémédiablement attiré par celle-ci, Kylah avait réussi à lui redonner un visage plus habituel, sa dernière vision serait quelque peu adoucie.

Enfin, elle arriva à destination, se blottit dans ses bras et lui souffla, laissons le comme il le demande, qu'il lui dise adieu... ses yeux bouffis, rouges, s'emplirent à nouveau de larmes, s'étonnant elle même de pouvoir encore en produire.

Avant de sortir, Yunette avisa Chrys, l'observant longuement... Un éclat attira son regard, son collier...; sa bague... il fallait qu'elle les récupère, pour Célia, ça elle en avait déjà parlé avec Chrys, son amie lui disait que plus tard, quand sa fille serait en âge, elle lui offrirait ses bijoux, sa richesse, son héritage.
Elle laissa à Galuche le couffin contenant Galaad, s'approcha de Dark et Chrys, fit un léger sourire qui se voulait encourageant à son ami et se penchant sur Chrys, elle récupéra les bijoux, étouffant un hoquet, tachant de faire cela le plus doucement possible, comme pour ne pas lui faire mal. Elle osa déposer un baiser sur la main de son amie en prenant la bague... Pour Célia souffla t elle à Dark avant de s'éloigner, son triste butin à la main.
Elle sortit rejoindre Kylah et Célia avec Galuche et son fils.