[RP] D'un hyménée non consommé

D'un geste machinal, Aymé tripotait son améthyste épiscopale. Un anneau qu'il possédait depuis désormais plusieurs année, qui lui avait peu servi, mais qui revêtait en ce jour une symbolique toute paternelle. De la fenêtre de son petit salon, il pouvait observer une demeure toute proche de la sienne, celle d'un homme doté d'une richesse qui avait dissimulé sa pauvreté d'antan, d'enfants qui braillaient, et surtout d'une femme, rayonnante, vive, et à qui il donnait tout l'amour que son cœur contenait. Cette femme, c'était la fille de son fils, issue de son sang, donc.

Ainsi, il ne pouvait que s'inquiéter que son sang fût répandu, et c'était dans cette optique là qu'il avait demandé à celui à qui il avait tendu la main de passer. Que son sang se répande dans de nouvelles veines, que le bonheur illumine la demeure qu'il observait avec attention. Il rêvait de deux alliances...

Galuche s'était changé, avait rangé son uniforme de l'Ost dans un tiroir, se demandant s'il l'ouvrirait bientôt, ou plus jamais. Il s'était aussi débarrassé de son épée, qui lui serait d'aucune utilité chez l'Évêque. Ou du moins, il le pensait bien...
Sortant de chez lui, il marcha en direction de la maison aux Pervenches, tout près de son Antre. Il se demandait ce que l'Évêque allait lui dire. Certes, il pensait bien avoir une relation amicale avec lui, bien qu'il pensait la même chose à propos de Kylah, mais en même temps, il se frottait à la protection du vieil homme pour sa petite-fille. Mais Galuche ne lui en voulait pas... ne réagirait-il pas de la même manière?

Bref, c'est plutôt un Galuche anxieux qui arriva devant la maison aux Pervenches. Il cogna à trois reprises sur la porte, puis retira le chapeau, le tordant nerveusement dans ses mains. De toute façon, il était déjà taché de tisane...

Trois coups.
Trois coups sur une porte.
Trois coups sur un vieil esprit.

Il ouvrit les yeux, émergeant de sa contemplation silencieuse, et se leva - aussi surprenant soit-il - facilement et légèrement. Les marches furent avalées à une prodigieuse vitesse, et, souriant légèrement, Aymé tira le loquet, ouvrit la porte. C'est un Galuche à la mine anxieuse qui se présenta à lui, l'amusant donc, sans qu'il ne le montrât.

Bonjorn ! Entre donc !

Sur ces mots, il laissa à son visiteur le loisir de fermer la porte, tandis que lui-même remontait les marches, faisant signe à Galuche de le suivre. Ses pas le menèrent jusqu'à sa terrasse, où deux sièges trônaient, face à la mer. Il s'assit sur l'un deux, qu'on devinait être une habitude, étant donné l'état : un peu usé. L'autre n'attendait qu'un fessier, et l'évêque fit un signe en ce sens. Puis, il proposa un verre à son invité, tout en sirotant lui-même un pastis bien frais.

Hm... Cher ami, tu devines que si je t'ai fait venir ici, ce n'est pas innocent...

Cela fait plusieurs mois, déjà, que je vous vois, Yunette et toi, vous aimer. Elle habite désormais chez toi, et j'ai plutôt confiance, puisqu'elle me semble plutôt heureuse et en sécurité. Les enfants sont bien chéris et nourris. Tout semble être... Mais il ne manque plus que l'officiel, et surtout, le cérémonial.

Toutes ces déclarations laissaient sous-entendre qu'il attendait une demande, suivant ses propos... Galuche était quelqu'un de vif, il comprendrait.

La porte s'ouvrit sur un Aymé qui semblait toujours aussi calme, toujours aussi sage. Galuche lui fit un timide sourire, puis se fit inviter à rentrer. Il rentra, donc, jetant un coup d'œil aux alentours: c'était une jolie maison, qu'il aurait trouvé somptueuse, quelques mois plus tôt, mais maintenant qu'il était habitué au ''luxe''...

L'Évêque commença l'ascension de l'escalier, lui faisant signe de le suivre. Ce qu'il fit, avant de redescendre les quelques marches pour aller fermer le porte. Il remonta donc, rejoignant le Clerc. Ils arrivèrent donc sur une terrasse, avec une vue sur la mer. Après s'être assis, Uter fit signe à Galuche de faire de même, ce qu'il fit. Toutefois, il secoua négativement de la tête à la proposition du pastis, préférant être sobre. Il l'écouta parler:

Hm... Cher ami, tu devines que si je t'ai fait venir ici, ce n'est pas innocent...

Cela fait plusieurs mois, déjà, que je vous vois, Yunette et toi, vous aimer. Elle habite désormais chez toi, et j'ai plutôt confiance, puisqu'elle me semble plutôt heureuse et en sécurité. Les enfants sont bien chéris et nourris. Tout semble être... Mais il ne manque plus que l'officiel, et surtout, le cérémonial.

Meurtrissant toujours son chapeau, un court silence s'ensuivit, quand finalement, Galuche comprit. Il préféra se lever, laissant son chapeau sur la chaise. Il se racla la gorge, regarda le religieux et commença.

-Monseigneur... Comme vous le dites, moi et Yunette nous aimons depuis déjà quelques temps. Et il y a aussi les enfants... on s'y attache, à ces p'tites choses. Il n'y a rien au monde que j'ai plus aimé qu'elle, même que c'en est parfois déroutant. Pour elle, je serais prêt à faire tant de chose... même aller à Brignoles. Elle est ce que je chéris le plus au monde. Et voilà , j'aimerais donc officialiser tout ça devant Aristote, Christos ainsi que le Seigneur. Et, ne connaissant pas le père de Yunette, je m'en remets à vous...

Arf, crétin, il va croire qu'il est bouche-trou! Reprends-toi.

Pas que vous soyez en dernier recours, hein, juste que...

Ben vas-y, dis lui tout de suite que c'est un vieux croulant, ça fera le même effet...

En fait... Étant mon sauveur, ainsi que mon guide spirituel, je ne pourrais marier Yunette sans vôtre accord... simplement par principe. Vous, monseigneur, et Yunette, êtes parmi les seuls en qui je fais encore confiance. Donc, je vous le demande: Me permettez-vous, Aymé, de marier vôtre petite-fille, Yunette, et d'unir officiellement nos vies?

Il termina et regarda l'Évêque, un regard inquiet.

Considérant avec un air désolé le chapeau, Aymé finit par lever le regard, qui se déposa sur Galuche. A la fois interrogatif, méditatif et montrant une attente certaine. Sa main, baguée et brillant légèrement au soleil toulonnais, fit une embarquée, saisit son verre de pastis, et en but une gorgée qui déclencha un agréable feu dans sa gorge. Il se sentit tout à coup bien mieux... Un regard vers la maison d'en-face lui suffit pour se souvenir de sa chère petite fille... Qu'attendait-il? Enfin, après quelques instants d'un calme absolu, son interlocuteur se leva. Aymé suivit le mouvement des yeux, et attendit.

La déclaration vint, laissant d'abord le vieil homme de glace, puis le faisant peu à peu sourire. Il retint même un rire face à la maladroitesse de Galuche. Ne pouvant rester assis plus longtemps, il se leva, et dressa sa haute stature, toujours forte, bien que les années aient passées... Il fallait un homme pour protéger sa petite fille...

Cher ami... Il me semble que, jusqu'à présent, vous vous êtes occupé convenablement de ma petite fille, de mon arrière petit fils, et de l'enfant de feue mon amie. Je n'aurais pas grand chose à vous reprocher, et tout ce que je pourrais vous dire est resté dans le secret du confessionnal. De fait, je vous donne mon accord quant à prendre la main de ma petite fille... A une seule et unique condition. Je désire une famille unie, en étant le patriarche. Réconciliez vous avec Kylah, qui est comme ma fille, est tout ce que je demande, mais rien ne vous oblige à vous presser.

Toujours souriant, Aymé donna une brève accolade à Galuche. Il avait plutôt finement joué son coup, en fin de compte...

Inquiet, Galuche attendit la réponse de l'Évêque. Il vit peu à peu un sourire évoluer sur son visage, ce qui le rassura légèrement. Le vieil homme, toujours solide, se leva devant Galuche et lui exprima son opinion. Un immense sourire vint illuminer le visage de Galuche, qui se transforma en une grimace à la partie concernant une future réconciliation entre lui et Kylah. C'est qu'il s'était dit qu'il ne ferait plus jamais confiance à personne... personne, excepté Yunette, Aymé et peut-être Galaad, Célia... Mais s'il voulait marier Yunette, il n'avait pas le choix de se réconcilier.

Bon... de toute façon, il n'était pas vraiment fâché contre Kylah. Kylah n'était que la goutte qui avait fait déborder le vase, vase plein de vieille rancune, de vieilles trahisons, petites et grosses. Galuche jeta un coup d'oeil à sa maison, au coin de la rue. Il soupira et répondit amicalement à l'accolade. Il prit une inspiration, et reprit.

-Bien, Monseigneur, je tenterai de me réconcilier avec Kylah. C... Cela risque d'être plutôt ardu, connaissant, ou du moins pensant connaître Kylah. Il sourit à l'Évêque, sourire qui disparut pour laisser place à un visage plus sérieux et rajouta: Je... merci, Monseigneur. Je défendrai Yunette, et nos enfants. Je donnerai ma vie, pour la sienne... Merci... Beau-grand-papa?

Sur ce dernier mot, Galuche jeta un regard amusé à l'Évêque, puis se pencha, allant baiser sa bague épiscopale.