Quelques pas qui font craquer des branches.. Un visage, essouflé.. Un dernier regard sur cette lettre. Le facteur de Toulon avait l'air vraiment surpris. Qui pouvait donc avoir l'idée aussi farfelue d'envoyer une lettre ici.Il regarda une dernière fois l'enveloppe : - Citation :
- Grotte des Va-Nu-Pieds
A ouvrir par celui qui trouvera cette lettre, s'il le souhaite
Toulon, Provence
Et il déposa la lettre, à l'abri, sur une pierre, un baton posé dessus pour ne pas qu'elle s'envoleA l'intérieur de la lettre, un message :
Nord – Est de Marseille, 25 Mars :
Il me reste quelques forces, et je dois vous écrire… Pour vous donner quelques nouvelles, vous faire part de ma tristesse, et de mon inquiétude sur la suite qu’Aristote donnera à mon existence…
En effet, je suis actuellement sous une tente, sous laquelle un étudiant en médecine s’active à mes côtés. Sur la table, j’ai pû voir mon nom, et à côté, un tampon, une encre rouge qui danse encore dans ma tête et brouille toutes mes pensées : CONSIDÉRÉ COMME MORT.
Depuis, je n’sais plus. Mes yeux ne peuvent plus voir… Ne veulent plus voir…
Je suis triste, inquiet, et amer à la fois.
Pour défendre Toulon, et notre chère Provence, j’ai combattu au sein de nos Armées. Des jours, des nuits, des heures où l’on ne sait plus si la nuit et le jour existent encore, où la lumière n’est plus, si ce n’est dans nos souvenirs, ou dans notre imagination. Sans relâche, j’ai suivi notre meneur pour combattre à ses côtés.
Puis une nuit, les combats ont été plus rudes que jamais. Nous avons été repoussés sur Marseille.
Des heures d’errance, au cœur de la nuit dont l’obscurité permet d’oublier la couleur de la vie, la douleur d’un corps qui s’écroule, et ainsi d’atténuer la souffrance que notre cœur ressent à chaque instant, et que nos pensées et nos yeux veulent oublier…
A Marseille, le moral était en berne. Pas d’infos, pas de nouvelles, une immense impression de solitude. Et la disparition de la plupart des soldats Toulonnais, mystérieusement. Ce que je ne comprends toujours pas… Presque tous ceux qui étaient à mes côtés sont repartis à Toulon, sans rien me dire, sans l’accord de nos meneurs, et au péril de l’avenir de notre Armée… Et ce sont eux les héros de Toulon et de la Provence, qui paradent à la cave et au sein de notre résistance. Quant à moi, je continue à me battre, chaque jour, pour la Provence, et je suis celui que le héros de la résistance Toulonnaise, que tout le monde encense, appelle ‘’l’immonde salaud’’ qui doit ‘’pourrir en enfer’’ … Je n’ai jamais compris… Je ne comprendrai jamais… Ce que je comprends, par contre, c’est que comme tout le monde est vite retourné à Toulon, nous sommes lâchés. On ne pourra pas tenir… Je suis un peu amer… Mais tant pis, c’est trop dur… Cinq hommes… Six hommes… Je ne tiendrai pas… C’est ainsi… William Wallace et Maximus, face à moi, cette nuit. Et je sens mes forces m’abandonner. Je réussis à tuer Maximus, mais c’est trop tard. Les François m’ont eu. Je m’écroule. Cela s’arrête là, pour moi. Je n’en veux à personne. Je suis juste un peu triste. Mais je lutte… Je lutte désormais pour ma vie… Les médecins ont l’air de me considérer comme mort. Mais je pense que je ne le suis peut-être pas totalement. Je lutte pour ne pas m’endormir. Mes pensées me permettent de tenir… Lou Tavernou de l’Espadon, la plage de Toulon, la grotte, à Toulon… Farwen… Katia … Loutte… Eavan… Si je pense encore, c’est que je n’suis pas mort. Malgré tout, je revois ce tampon rouge, à côté de mon nom : MORT … J’entends les médecins dire que je vais mourir. Je décide de trouver quelques forces pour écrire cette lettre. En l’écrivant, je les entends dire que ma forme est une accalmie avant la tempête… L’un d’entre eux dit que je vais être envoyé dans les montagnes, au Nord de Marseille, et que j’y resterai au moins 45 jours, chez un ermite, ancien ami à moi, qui a accepté de me prendre en convalescence, si je survis. Je m’y imagine bien : De l’air pur, du calme, la nature sauvage, coupé de la Provence, des François, de Toulon et Marseille…
On m’annonce mort, mais je pense que je vais sans doute survivre. Je remets mon destin entre les mains d’Aristote. Mais, là, je sens à nouveau une grande douleur dans ma poitrine. J’entends les médecins parler de coma. Je sens que je vais basculer. Mais j’espère revenir un jour à la vie. Je crois en Aristote. Je vais vivre. Je reviendrai à Toulon, en mai. Je l’espère. J’y crois. Je le sais. A bientôt. Qu’Aristote vous garde.
Provençalement,
Oxa.